Il existe certaines inventions (bien qu’elles soient techniques) qui ont été volontairement exclues de la brevetabilité.
Éléments contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs
Principe
L’article L611-17 CPI dispose que :
Ne sont pas brevetables les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à la dignité de la personne humaine, à l’ordre public ou aux bonnes moeurs, cette contrariété ne pouvant résulter du seul fait que cette exploitation est interdite par une disposition législative ou réglementaire.
Critères d’exclusion
Un exemple peut être la mine antipersonnelle ou un outil de torture.
Une telle exclusion vise à protéger la dignité de la personne humaine et les valeurs fondamentales de la société (Directives d’examen de l’INPI I-C VII-2.2).
Critères n’impliquant pas nécessairement une exclusion
Néanmoins, ce n’est pas parce qu’une des utilisations de l’invention doit être exclue que l’invention doit être exclue complètement de la brevetabilité (les autres utilisations étant « acceptable » , Directives d’examen de l’INPI I-C VII-2.2) : si la description mentionne une utilisation exclue de la brevetabilité, il sera possible de demander sa suppression (L612-12 CPI et R612-4 CPI 1°).
À titre d’illustration, une méthode permettant de fracturer des coffres-forts peut être choquante si elle est utilisée par des voleurs, mais acceptable si elle est utilisée par un serrurier.
De plus, ce n’est pas parce qu’une invention est interdite par une disposition législative ou réglementaire qu’il faut l’exclure de la brevetabilité (L611-17 CPI).
Variétés végétales, races animales et procédés essentiellement biologiques
L’article L611-19 CPI I exclut de la brevetabilité :
- Les races animales ;
- Les variétés végétales ;
- Les procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux et des animaux ;
- Les procédés de modification de l’identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l’homme ou l’animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés
Variétés végétales
Définition
Une variété végétale est (L611-19 CPI I ensemble règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, art 5) un ensemble végétal d’un seul taxon botanique du rang le plus bas connu, qui est :
- homogène (i.e. qui peut être défini par certains caractères résultant d’un certain génotype ou d’une certaine combinaison de génotypes),
- distinct (i.e. qui peut être distingué des autres ensembles végétaux par certains caractères), et
- stable (i.e. qui possède une aptitude à être reproduit sans changement).
Cependant, est brevetable un végétal donné (ex. végétal modifié génétiquement), sachant que la faisabilité technique de l’invention n’est pas limitée à une variété végétale (ex. la modification de l’ADN peut fonctionner pour plusieurs variétés) (voir Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.a etL611-19 CPI II).
Raison de cette exclusion
Les variétés végétales possèdent déjà un système de protection particulier : les obtentions végétales définies par la convention UCOV (voir Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.a).
Variétés obtenues directement par un procédé
Si la brevetabilité d’une variété végétale est exclue, on peut s’interroger sur la brevetabilité d’un procédé permettant directement d’obtenir cette variété végétale.
Nous savons que le produit obtenu directement par un procédé breveté est également protégé (L613-3 CPI c)). Ainsi, cette astuce permettrait de contourner astucieusement l’exclusion de la brevetabilité des variétés végétales.
À ma connaissance, les juridictions françaises n’ont pas encore pris position sur cet épineux problème.
Races animales
Malheureusement, il n’existe pas de définition de « race animale » (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.b) et il est donc difficile de définir les limites de cette exclusion.
Cependant, est brevetable un animal (ex. animal modifié génétiquement), sachant que la faisabilité technique de l’invention n’est pas limitée à une race animale (ex. la modification de l’ADN peut fonctionner pour plusieurs races, ex. un rongeur, un mammifère, etc., Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.b et L611-19 CPI II).
Procédés essentiellement biologiques
Un procédé essentiellement biologique est (L611-19 CPI I) est un procédé qui fait « exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection » .
Exclusion
Ainsi, les méthodes de croisement sexué de génomes complets et de sélection d’animaux (ex. de chevaux (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.c) ou de plantes sont exclues de la brevetabilité.
Non-exclusion
Une méthode technique qui fait intervenir de manière importante l’homme ne sera pas exclue (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.c), par exemple les OGM (Site de l’INPI).
Par exemple, une méthode de stimulation de la reproduction d’un végétal est brevetable (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.c).
Produits obtenus par des procédés essentiellement biologiques
Il n’est pas interdit de revendiquer les produits obtenus par de tels procédés (L611-19 CPI III) .
Procédés microbiologiques et produits obtenus par ces procédés non-exclus
Définition
Par « procédés microbiologiques » , on entend (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.c) :
- les procédés industriels impliquant l’utilisation d’une matière biologique,
- les procédés produisant une matière biologique, par exemple au moyen de l’ingénierie génétique (i.e. OGM), ou
- les procédés comportant une intervention sur une telle matière
La matière biologique est toute « matière qui contient des informations génétiques et peut se reproduire ou être reproduite dans un système biologique » (L611-10 CPI, in fine).
Ainsi, la matière biologique peut être, par exemple :
- les bactéries,
- les levures,
- les champignons,
- les algues,
- les protozoaires,
- les cellules humaines, animales et végétales,
- les virus,
- les plasmides,
- ou tout organisme généralement unicellulaire, invisible à l’œil nu, qui peut être multiplié et manipulé en laboratoire.
Cas particulier des procédés de modification génétique
En revanche, ne sont pas brevetables :
- les procédés de modification génétique de l’être humain (L611-18 CPI) ;
- les procédés de modification génétique des animaux (L611-19 CPI) s’il provoque chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle.
Ainsi, les procédés de modifications génétiques des plantes et des animaux (sans souffrance inutile) sont brevetables (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII-2.4.a et I-C VII-2.4.c).
Méthodes chirurgicales ou thérapeutiques ou de diagnostic
L’article L611-16 CPI dispose que :
Ne sont pas brevetables les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal.
Exclusion
Le but de l’exclusion de ces méthodes est de ne pas entraver l’exercice de la médecine.
Méthodes de traitement chirurgicales
Définition
On entend par « méthode de traitement chirurgical » toute méthode, effectuée sur un corps humain ou animal vivant, quel que soit son but (ex. esthétique ou médical, Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.2.a).
Exclusion
Si dans une revendication une seule étape est une étape chirurgicale, la revendication dans son ensemble doit être rejetée (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.2.b).
Par ailleurs, si la seule application d’un procédé décrite dans la description est une application chirurgicale, le procédé doit être rejeté (Cour d’appel de Paris, ch. 04, 29 octobre 1997).
Non-exclusion
Si la méthode comprend une étape de sacrifice de l’animal, la revendication n’est pas exclue de la brevetabilité (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.2.b).
De plus, une méthode qui ne consiste pas uniquement de décrire le mode d’utilisation par le praticien du dispositif (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.2.b) ne constitue pas une méthode exclue de la brevetabilité :
- un procédé de commande d’un générateur haute fréquence alimentant une pince électro-chirurgicale, le corps humain n’intervenant que pour fournir le paramètre de régulation de l’appareil ;
- un procédé de circulation ou de pompage de liquides organo-biologiques.
Omission de l’étape chirurgicale
Notamment lorsque l’étape chirurgicale n’est pas le cœur de l’invention, mais ne vient que supporter l’invention (ex. acquisition d’une image médicale suite à l’injection d’un produit dans une veine), il semble possible d’exclure cette étape en la mettant au participe passé (ex. « le produit de contraste ayant été injectée »).
Méthodes de traitement thérapeutique
Principe
Les méthodes thérapeutiques sont (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.1.a) couvrent :
- les traitements curatifs permettant ou visant la guérison d’une maladie ou d’un dysfonctionnement organiques ;
- les traitements prophylactiques (i.e. qui protègent d’une maladie).
Par ailleurs, des traitements esthétiques/cosmétiques peuvent être brevetables (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.1.c). Pour autant, il ne faut pas que l’effet thérapeutique soit inextricable avec l’effet esthétique (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.1.c).
Utilisation posologique ?
Après quelques incertitudes concernant une possible assimilation des utilisations posologiques avec les méthodes thérapeutiques, les juges ont indiqué (Cour d’appel de Paris, 30 janvier 2015) que les utilisations posologiques sont bien brevetables comme l’a indiqué la Grande Chambre de recours de l’OEB (G2/08).
Bien entendu, pour être brevetable, une telle utilisation posologique doit fournir un « enseignement technique » (ou effet technique).
Méthode de diagnostic
Définition
Une méthode de diagnostic est une méthode comportant toutes les étapes suivantes (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.3) :
- la phase d’investigation, qui implique le recueil de données sur le corps humain ;
- la comparaison de ces données avec les valeurs normales ;
- la constatation d’un écart significatif (symptôme) lors de cette comparaison ;
- l’attribution de cet écart à un tableau clinique particulier, à savoir la phase de décision déductive en médecine humaine ou vétérinaire (le diagnostic à finalité curative stricto sensu). Il n’est pas nécessaire que cette étape aboutisse à la déduction de la maladie d’origine : cette étape consiste simplement à déterminer la nature d’une condition médicale ou vétérinaire particulière en vue d’identifier ou de découvrir une pathologie (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.3).
Précision de l’exclusion
De plus, il est nécessaire que les étapes techniques (i.e. les étapes qui ne sont pas purement intellectuelles) soient appliquées au corps humain ou animal, nécessitant la présence de ce dernier (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.3). Un contact physique direct avec le corps n’est pas toutefois requis (radiographie, échographie, etc.).
Si la méthode revendiquée permet un diagnostic à partir de substances (tissus, liquides corporels) extraites du corps humain ou animal, cette méthode ne doit pas être exclue de la brevetabilité (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.3).
Non-exclusions générales
Produits
Au regard de la lettre de l’article L611-16 CPI, les instruments et appareillages chirurgicaux (prothèses, sondes, scalpel, etc.), thérapeutiques (médicaments, etc.) ou de diagnostic (logiciels, appareils d’imageries, etc.) peuvent être brevetés sans problème : ce sont bien les méthodes qui sont exclues (Directives d’examen de l’INPI, I-C VII.2.1.3).
Autres méthodes
Les autres méthodes (i.e. autres que chirurgicales, thérapeutiques ou de diagnostic) sont brevetables.