Afin d’éviter les abus, l’INPI impose que chaque demande de brevet ne couvre qu’une seule invention : c’est le concept même de l’unité d’invention.
Défaut d’unité d’invention
Principe
L »unité d’invention est prévue par l’article L612-4 CPI.
La demande de brevet ne peut concerner qu’une invention ou une pluralité d’inventions liées entre elles de telle sorte qu’elles ne forment qu’un seul concept inventif général.
L’objectif de cette exigence est de permettre de classer de manière efficace les inventions et d’éviter que le paiement d’une unique taxe de recherche ne permette d’obtenir une recherche pour 1000 inventions.
Cela est assez compréhensible …
Appréciation de l’unité
Concernant l’appréciation de l’unité d’invention, il convient de noter que les Directives de l’INPI évoquent directement ce point dans leur section VI-A 3.
Pour l’INPI, afin de vérifier que l’exigence d’unité d’invention est respectée, il faut vérifier la présence d’un lien technique effectif entre les revendications.
Mais de manière claire, l’INPI ne donne aucune méthode pour vérifier l’existence de ce lien technique (débrouillez-vous avec cela 🙂 ).
Tout au plus, le code (R612-19 CPI) nous indique quelques exemples de ce qui est acceptable au regard de l’unité d’invention :
- un produit, un procédé pour la fabrication de ce produit, une utilisation de ce produit ;
- un procédé, un dispositif ou moyen spécialement conçu pour la mise en œuvre de ce procédé ;
- un produit, un procédé conçu spécialement pour la fabrication de ce produit et un dispositif ou moyen spécialement conçu pour la mise en oeuvre de ce procédé.
Pire encore, les Directives de l’INPI confondent l’interdiction des revendications de même type et l’exigence d’unité d’invention (spoiler alert : ce n’est pas la même chose sinon le législateur n’aurait pas fait débuter l’article R612-17-1 CPI par « sans préjudice des dispositions des articles L612-4 CPI…« ).
Bref …
Enfin pour conclure, si vous voulez une approche plus raisonnable, je vous invite à lire l’unité d’invention en Europe.
A priori / A posteriori
Bonne nouvelle, les Directives de l’INPI évoquent également ce point dans leur section VI-A 2.
A priori
La non-unité a priori est une non-unité détectable sans analyser la validité des revendications au regard de l’état de la technique.
Ainsi, la non-unité a priori n’apparait qu’entre revendications indépendantes.
A posteriori
La non-unité a posteriori est une non-unité détectable après avoir analysé la validité des revendications au regard de l’état de la technique.
Ainsi, si la revendication 1 n’est pas nouvelle (ou inventive), et que les revendications dépendantes présentent des positions de repli non unitaires, une objection de non-unité sera soulevée a posteriori (enfin là, je suppose en me calquant sur la pratique européenne, car les Directives de l’INPI très très succinctes).
Conséquence
Division
Si une demande n’est pas unitaire, il conviendra de la diviser afin d’éviter un rejet (L612-12 CPI).
Alors comme ces textes sont rédigés « avec les pieds » (avec tout mon respect, bien sûr), amusons-nous un peu : que se passe-t-il si vous divisez une demande non-unitaire (sans payer les taxes, par exemple) mais que vous ne modifiez pas les revendications de la demande non-unitaire (qui restent donc non-unitaire) ?
Aurez-vous une délivrance ? A mon avis, l’article L612-12 CPI ne permet pas un rejet…
Suppression de certaines revendications
Il semblerait assez logique que si nous modifions la demande afin de supprimer le problème d’unité d’invention, l’INPI ne nous embête pas plus …
Même si je suis assez d’accord sur le fond, les textes semblent créer une incertitude notable …
En effet, l’article L612-4 CPI est dans la section « Dépôt des demandes » et non « Instructions des demandes ».
Dès lors, cette exigence d’unité semble être intrinsèque au moment du dépôt. Par ailleurs, l’article L612-12 CPI n’offre qu’une seule voie de correction : la division.
Des collègues m’ont alors pointé l’article R612-48 CPI : cet article prévoit une limitation des revendications pour éviter le rejet.
Certes, cela est textuellement prévu par l’article R612-48 CPI mais ce dernier article est un article réglementaire alors que l’article L612-12 CPI est d’un niveau hiérarchique supérieure.
Vous l’aurez compris : cette discussion est surtout philosophique. En pratique, si vous changez vos revendications pour les rendre unitaires, vous n’aurez pas de problème, hein ?
Interdiction des revendications du même type
Principe
Par principe, il est impossible de déposer plusieurs revendications indépendantes de mêmes types (R612-17-1 CPI).
Exceptions
Néanmoins, ce même article R612-17-1 CPI prévoit des exceptions : cela est possible si l’objet de la demande se rapporte :
- à plusieurs produits ayant un lien entre eux,
- à différentes utilisations d’un produit ou d’un dispositif,
- à des solutions alternatives à un problème particulier dans la mesure où ces alternatives ne peuvent pas être couvertes de façon appropriée par une seule revendication.
Sanction
Sauf erreur de ma part, cet article R612-17-1 CPI , bien que prescrivant une interdiction forte, ne peut fonder une décision de rejet de la part de l’INPI.
Je ne trouve, en effet, aucune base légale pour ce rejet.
Il est vrai que les Directives de l’INPI mélangent ce concept avec le concept d’unité d’invention (comme dit précédemment). Dès lors, il est fort probable qu’ils se fondent sur l’article L612-4 CPI pour justifier un rejet.
Ce n’est pas très satisfaisant intellectuellement.