Pour être brevetable, il faut une invention.
Définition
Une invention n’est pas nécessairement novatrice (comme on pourrait le penser).
Pour les brevets, une invention est quelque chose de technique :
- un produit,
- un procédé,
- un dispositif,
- une utilisation dans un domaine technologique (A52(1) CBE).
Cela est bien vague …
Pour nous aider, la CBE a cherché à définir ce concept en creux.
Exclusion du concept d’invention
Principe
Sont exclus de la brevetabilité (A52(2) CBE), s’ils sont pris en tant que tel (A52(3) CBE) :
- les méthodes commerciales ;
- les découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ;
- les créations esthétiques ;
- les plans, principes et méthodes :
- dans l’exercice d’activités intellectuelles,
- en matière de jeu, ou
- dans le domaine des activités économiques,
- les programmes d’ordinateur ;
- les présentations d’informations.
Mais seulement, s’ils sont pris en tant que tel (et là est toute la difficulté, A52(3) CBE) : ainsi, si l’un des ces éléments comprends un élément technique supplémentaire, il peut être brevetable !
Détaillons chacune de ces exclusions pour plus de précisions.
Découvertes, les théories scientifiques et les méthodes mathématiques
Découvertes
Principe
Une découverte est une observation d’un phénomène naturel préexistant.
Néanmoins, l’application d’une découverte pour la création d’un nouveau produit peut être brevetable (Directives G-II 3.1) par exemple :
- un composé particulièrement résistant aux chocs mettant en œuvre une découverte scientifique ;
- une substance trouvée dans la nature produit un effet technique (ex. un effet antibiotique) ou un micro-organisme qui produit cette substance ;
- un gène du corps humain permettant de fabriquer une certaine protéine/polypeptide (T236/96 ou « V28/ICOS » T1191/01).
Cas particulier de la matière biologique
Par ailleurs, la R27 a) CBE souligne qu’est brevetable « une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l’aide d’un procédé technique, même lorsqu’elle préexistait à l’état naturel » .
Cas particulier des séquences de gènes
Ceci est également vrai pour les séquences de gène humain R29(2) CBE :
Un élément isolé du corps humain ou autrement produit par un procédé technique, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, peut constituer une invention brevetable, même si la structure de cet élément est identique à celle d’un élément naturel.
Théories scientifiques
Une théorie scientifique est simplement une activité intellectuelle.
Néanmoins, de nouveaux dispositifs semi-conducteurs et leurs procédés de fabrication peuvent être brevetables même si la théorie sur la supraconductivité ne l’est pas (Directives G-II 3.2).
Méthodes mathématiques
Si une méthode mathématique (comme une méthode rapide de division ou une méthode de filtrage électrique) n’est pas brevetable, une machine la mettant en œuvre peut l’être (Directives G-II 3.3).
La décision « VICOM » , T208/84 souligne la différence entre une méthode mathématique (« concept abstrait prescrivant la façon de traiter des nombres« ) et un procédé technique brevetable qui utilise une méthode mathématique (« ce procédé s’applique à une entité physique (qui peut être un objet matériel, mais également une image mémorisée sous forme de signal électrique) [… ] et il en résulte une certaine modification de cette entité« ).
Par exemple, l’expression « pour contrôler un processus physique » peut permettre à l’invention de ne pas être une méthode mathématique en tant que telle (T953/84).
Créations esthétiques
Principe
Les créations artistiques ne sont pas brevetables (Directives G-II 3.4).
En effet, elles disposent déjà d’une protection spécifique : elles sont déjà protégées par le droit d’auteur, les dessins et les modèles.
Effet esthétique non brevetable
Dans une affaire T119/88, un demandeur cherchait une protection pour une « enveloppe souple pour CD dont la couleur était différente du noir » . Le demandeur justifiait son invention dans le fait que cette enveloppe évitait les empreintes.
Néanmoins, la chambre de recours considéra que l’effet anti-empreinte était purement esthétique et n’était donc pas brevetable.
Éléments techniques pour l’obtention d’un effet esthétique brevetable
Pour qu’une revendication soit considérée comme une invention malgré un effet esthétique, il faut que l’effet esthétique soit obtenu à l’aide d’un procédé ou d’un moyen technique :
- un support pour la réalisation d’une œuvre d’art (T 686/90) car celui-ci est fonctionnel ;
- un procédé de taille de diamant permettant d’obtenir des diamants particulièrement beaux (Directives G-II 3.4) ;
- un tissu tissé d’une manière particulière permettant de le rendre soyeux ;
- etc.
Plans, principes et méthodes intellectuelles ou commerciales
Une méthode abstraite (ne permettant pas d’obtenir un résultat industriel) n’est pas brevetable (Directives G-II 3.5).
L’exemple type est la méthode commerciale de vente.
De la même manière si une méthode est très abstraite (ex. fournir un médicament sur la base du génotype d’un patient), on pourra considérer que la méthode est un simple principe non-brevetable (T758/12).
Aujourd’hui, la jurisprudence considère qu’une méthode (même intellectuelle ou commerciale), mais faisant intervenir des moyens techniques constituent des inventions au sens de l’A52(1) CBE (T619/02 ou T931/95) : si vraiment la méthode est intellectuelle, elle se fera rejeter au titre de l’activité inventive. Pour autant, il est nécessaire de revendiquer ces moyens techniques (T388/04 et T619/02).
Une méthode intellectuelle ne doit faire intervenir que le cerveau humain. Si la méthode implique l’utilisation d’une chose externe au cerveau (comme un objet, des main ou des yeux), cette méthode ne pourra pas être qualifiée d’intellectuelle (T2720/16).
Programmes d’ordinateur
Principe
L’exclusion sur les programmes d’ordinateur (Directives G-II 3.6) vise en réalité le code source de ces programmes et leur documentation attachée (les mots de langages du programme n’ont pas de caractère technique, T110/90).
La première jurisprudence de l’OEB (VICOM, T208/84) est d’ailleurs très claire sur le sujet : un calculateur agencé pour fonctionner un logiciel pour l’exécution d’un procédé technique (ex. amélioration d’image) n’est pas un programme d’ordinateur en tant que tel.
La théorie de « l’effet technique supplémentaire »
De même, la décision T1173/93 (ou décision IBM) ou T935/97 (décision IBM II) souligne le fait qu’un programme peut être revendiqué. Dans ces décisions, la chambre de recours indique que les effets physiques normaux (i.e le courant électrique faisant fonctionner le processeur) ne sont pas suffisants pour permettre de donner à l’invention un caractère technique : il faut, au stade de l’analyse de l’exclusion de la brevetabilité, regarder si « l’effet technique supplémentaire » va au-delà de ces effets techniques normaux (l’effet technique supplémentaire peut s’évaluer en fonction de l’état de la technique identifié).
Cet effet technique supplémentaire peut, par exemple, être :
- le contrôle d’une machine-outil ;
- le traitement de données représentant des entités physiques ;
- l’amélioration du fonctionnement interne de l’ordinateur (augmentation de la vitesse de calcul, compression de données, diminution des ressources nécessaires, diminution de débit de transfert dans une liaison de communication, etc.).
La fin de « l’effet technique supplémentaire »
Dans la décision T931/95 (décision Pension Benefit), la chambre de recours a abandonné la théorie de l’effet technique supplémentaire : une revendication de produit ne peut pas être exclue de la brevetabilité du simple fait qu’elle met en œuvre une méthode purement intellectuelle par ordinateur.
En effet, pour l’appréciation du caractère technique, il convient de faire abstraction de l’état de la technique (cf. T 1173/97, confirmée dans la décision G3/08, voir Directives G-II 3.6) : ainsi, le caractère technique d’un ordinateur suffit à surmonter l’écueil de non brevetabilité.
Il faut donc revenir à une approche d’activité inventive pour écarter une telle revendication. G3/08 valide cette approche.
Présentation d’informations
Une présentation d’information caractérisée seulement par l’information qu’elle contient ne sera pas brevetable.
La simple génération et l’affichage d’informations, éventuellement d’une manière agréable et pratique, porte sur la perception subjective d’un utilisateur : cela constitue donc une présentation d’information (T231/13).
Sera technique (Directives G-II 3.7) :
- un télégraphe ou un système de communication utilisant un codage des caractères (par exemple, une modulation par impulsions codées) ;
- un format de données permettant une meilleure densité de stockage en mémoire (T659/04) ;
- un instrument de mesure permettant d’obtenir une forme particulière de graphique représentant les données mesurées ;
- un disque ayant un sillon d’une forme particulière permettant des enregistrements stéréophoniques ;
- une structure de données informatiques (T1194/97) définie en des termes qui, intrinsèquement, comprennent les caractéristiques techniques du programme l’utilisant ;
- une diapositive munie d’une piste sonore sur son pourtour et une icône ayant une alternance de rayures claires et foncées conférant une apparence tridimensionnelle (T1749/06) ;
- une interface homme-machine permettant d’augmenter l’efficacité des interactions avec l’utilisateur (Directives G-II 3.7.1).