Une des choses les plus importantes pour un déposant est la date de dépôt de sa demande.
En effet, elle détermine l’état de la technique qu’on pourra lui opposer (comme nous le verrons plus tard).
Afin de vérifier que la demande satisfait aux conditions minimales fixées par la CBE, la section de dépôt examine les pièces du dépôt (A16 CBE).
Conditions pour l’attribution d’une date de dépôt
Généralités
L’A80 CBE renvoie simplement au règlement pour connaitre les exigences d’obtention d’une date de dépôt.
L’OEB vérifie ces conditions (A90(1) CBE) et c’est la section de dépôt qui est responsable de cette vérification (Directives A-II 4.1).
Les trois conditions minimales
Depuis le 13 décembre 2007 (entrée en vigueur de la CBE 2000), les conditions se sont considérablement assouplies.
Nous n’en avons conservé que trois (R40(1) CBE) :
- une indication selon laquelle un brevet européen est demandé (R40(1) a) CBE) ;
- les indications qui permettent d’identifier le demandeur ou de prendre contact avec lui (R40(1) b) CBE) ;
- une description ou un renvoi à une demande déposée antérieurement (R40(1) c) CBE).
Indication selon laquelle un brevet est demandé
Cette condition est prévue à la R40(1) a) CBE.
Aucune condition de forme n’est nécessaire. Ainsi, elle peut être présentée sur papier libre (Directives A-II 4.1), rédigée à la main (pourvu que l’indication soit lisible).
Bien entendu, vous pouvez également utiliser le formulaire 1001 de requête en délivrance prévu à cet effet et fourni par l’OEB (Directives A-II 4.1.1). Ce formulaire contient déjà la phrase magique.
Si cette indication est manquante, une notification sera envoyée au demandeur afin qu’il corrige cette irrégularité dans un délai de 2 mois (R55 CBE). Sachez seulement que la date de dépôt sera bien la date à laquelle cette condition sera remplie (si les deux autres le sont, R55 CBE deuxième phrase).
Si cette irrégularité n’est pas corrigée, la demande ne sera pas traitée comme une demande de brevet européen (R55 CBE) et les taxes éventuellement payées seront remboursées (Directives A-II 4.1.4).
Identification du demandeur
Cette condition est prévue à la R40(1) b) CBE.
Il faut noter que cette identification est assez souple (Directives A-II 4.1.2, contrairement à ce que l’on peut trouver comme exigences dans la règle R41(2) c) CBE).
Les directives relatives à l’Examen (Directives A-II 4.1.2) indiquent que cette identification doit :
- soit permettre d’identifier le demandeur,
- soit permettre de prendre contact avec lui.
Ainsi, la jurisprudence de l’OEB considère comme satisfaisant à cette exigence les informations suivantes (Directives A-II 4.1.2) :
- le nom et l’adresse du mandataire du demandeur ;
- un numéro de télécopie ;
- une signature ayant un nom lisible (J25/86) ;
- un numéro de boîte postale.
Si cette condition n’est pas remplie, il n’est pas possible de notifier le demandeur.
Néanmoins, si le demandeur est insuffisamment identifié, il dispose d’un 2 mois à compter du dépôt des premières pièces pour corriger son erreur (Directives A-II 4.1.4).
La date de dépôt est la date à laquelle cette condition sera remplie (si les deux autres le sont, R55 CBE deuxième phrase).
Si cette irrégularité n’est pas corrigée, la demande ne sera pas traitée comme une demande de brevet européen (R55 CBE) et les taxes éventuellement payées seront remboursées (Directives A-II 4.1.4).
Description et dessins
Cette condition est prévue à la R40(1) c) CBE.
Il n’y a pas d’exigence concernant :
- la langue de la description (A14(2) CBE) ;
- la présence de revendication(s) (Directives A-II 4.1, si les revendications ne sont pas déposées à la date de dépôt, cela est indiqué dans la publication R68(4) CBE).
Bref, il faut juste un texte (et éventuellement des dessins)…
Dans la décision T382/94, la chambre de recours a indiqué que si les annotations des dessins étaient dans une langue différente de celle de la description, cela n’avait pas d’incidence sur la date de dépôt (les revendications et la description avaient été déposées en allemand, mais les dessins incluaient un texte en anglais).
Quant est-il si une partie de la description ou si une revendication est dans une langue différente du reste de la description ?
Avant l’entrée en vigueur de la CBE 2000, l’OEB refusait l’attribution d’une date de dépôt dans ces situations (J18/96) au motif que la lettre de l’A14 CBE73 était :
Les demandes de brevet européen sont déposées dans une de ces langues
Aujourd’hui, la formulation est différente, mais on peut y retrouver des similarités :
Toute demande de brevet européen doit être déposée dans une des langues officielles ou, si elle est déposée dans une autre langue, traduite dans une des langues officielles, conformément au règlement d’exécution.
Je pense ainsi que la position de l’OEB serait la même : le principe de l’unicité de la langue des demandes de brevet européen serait la règle.
Pour autant, rien n’est sûr : par exemple, certains supposent que si les revendications sont dans une langue différente, cela ne pose pas de souci (les revendications n’étant pas une obligation pour obtenir une date de dépôt).
Si cette indication est manquante, une notification sera envoyée au demandeur afin qu’il corrige cette irrégularité dans un délai de 2 mois (R55 CBE). Sachez seulement que la date de dépôt sera bien la date à laquelle cette condition sera remplie sous réserve des dispositions détaillées ci-dessous dans le chapitre « Erreurs concernant la description ou les dessins » (si les deux autres le sont, R55 CBE deuxième phrase).
Si cette irrégularité n’est pas corrigée, la demande ne sera pas traitée comme une demande de brevet européen (R55 CBE) et les taxes éventuellement payées seront remboursées (Directives A-II 4.1.4).
Renvoi à une demande antérieure
Principe
Il est possible de remplacer la condition de fourniture d’une description par un renvoi à une demande antérieure (R40(1) c) CBE, la priorité de cette demande n’est pas nécessairement revendiquée, Directives A-II 4.1.3.1).
Cette demande antérieure peut être un modèle d’utilité (Directives A-II 4.1.3.1).
Exigences lors du dépôt
Pour ce renvoi, il est nécessaire de fournir (R40(2) CBE et Directives A-II 4.1) :
- la date de dépôt de la demande antérieure,
- son numéro de dépôt,
- l’office auprès duquel elle a été déposée,
- la mention selon laquelle ce renvoi remplace la description et, le cas échéant, les dessins.
Ce renvoi peut être présenté sous n’importe quelle forme, du moment qu’il est lisible (Directives A-II 4.1.3.1).
Il n’est pas possible de faire un renvoi vers plusieurs demandes.
Si le renvoi n’est pas conforme, une notification sera envoyée au demandeur afin qu’il corrige cette irrégularité dans un délai de 2 mois (R55 CBE).
La date de dépôt est la date à laquelle cette condition sera remplie (si les deux autres le sont, R55 CBE deuxième phrase).
Fourniture d’une copie certifiée
Pour bénéficier de la date de dépôt, il est également nécessaire de produire une copie certifiée conforme de la demande déposée antérieurement dans un délai de 2 mois (R40(3) CBE).
Ce délai ne bénéficie pas de la poursuite de la procédure de l’A121 CBE, mais de la restitutio in integrum A122 CBE.
Si cette exigence n’est pas remplie dans les délais, le demandeur est invité à fournir la copie dans un délai de 2 mois (R55 CBE).
Si le demandeur dépose la copie certifiée conforme dans ce délai de 2 mois, la demande conserve sa date de dépôt initiale, à condition qu’elle satisfasse à toutes les autres conditions pour qu’une date de dépôt lui soit accordée (Directives A-II 4.1.5).
Dans le cas contraire, la demande n’est pas traitée en tant que demande de brevet européen (R55 CBE et Directives A-II 4.1.4).
Ce dernier délai ne bénéficie pas de la poursuite de la procédure de l’A121 CBE, mais de la restitutio in integrum de l’A122 CBE.
Cas où la fourniture de la copie n’est pas obligatoire
La R53(2) CBE est applicable dans le cas où la demande antérieure est à la disposition de l’office. Cette règle stipule que « La copie de la demande antérieure est réputée dûment produite si une copie de cette demande, qui est à la disposition de l’Office européen des brevets, doit être versée au dossier de la demande de brevet européen dans les conditions déterminées par le Président de l’Office européen des brevets ».
Les conditions en question sont les suivantes. Le déposant n’a pas besoin de produire cette copie dans les deux cas suivants uniquement (« Communiqué de l’Office européen des brevets en date du 14 septembre 2009, relatif à la production d’une copie certifiée conforme de la demande déposée antérieurement lorsqu’un renvoi est effectué » , JO 2009, 486) :
- si la demande déposée antérieurement est une demande EP, ou
- si la demande déposée antérieurement est une demande PCT et si le RO est l’OEB.
Traduction du renvoi
La R40(3) CBE indique également qu’il faut fournir, dans le même délai de 2 mois, une traduction de la demande si la demande déposée antérieurement n’est pas rédigée dans une langue officielle (i.e. le français, l’anglais, ou l’allemand, A14(1) CBE).
L’A121 CBE n’est pas applicable à ce délai.
La fourniture de la traduction n’est pas obligatoire si l’OEB est déjà en possession de celle-ci (R53(2) CBE).
Si la traduction n’est pas fournie dans le délai, l’OEB notifie le demandeur et lui redonne un délai de 2 mois pour fournir cette traduction (R58 CBE, la R57 a) CBE prévoyant également cette traduction)
Néanmoins, l’absence de traduction n’a pas d’incidence sur la date de dépôt (Directives A-II 4.1.4, dernier paragraphe). Cela s’explique par l’absence de prescription sur les langues pour la description pour l’attribution d’une date de dépôt.
La sanction de cette non-traduction est le fait que la demande est réputée retirée (A14(2) CBE).
Dans la procédure, et jusqu’à preuve du contraire, cette traduction est supposée correcte (R7 CBE).
Texte qui fait foi
Normalement, le texte qui fait foi dans toutes les procédures devant l’OEB est le texte rédigé dans la langue de la procédure (A70(1) CBE).
Néanmoins, si la demande n’a pas été déposée dans une langue officielle de l’OEB, c’est celle-ci qui fait foi (A70(2) CBE).
Le texte traduit pourra être mis en accord avec le texte tel que déposé durant toute la procédure (A14(2) CBE).
Cette dernière possibilité est discutable si le dépôt fait uniquement renvoi à une demande rédigée dans une langue qui n’est pas une langue officielle de l’office, la R40(3) CBE ne prévoyant pas la correction (néanmoins, cela semble être logique, surtout au regard de la R7 CBE).
Cas particulier d’un dépôt un jour férié
Si une demande de brevet est déposée un jour férié ou un jour de fermeture d’un bureau de l’OEB (ex. dépôt par fax un dimanche), on peut se demander si la date de dépôt est décalée au prochain jour d’ouverture.
La réponse est non : la date de dépôt peut très bien être un jour férié ou fermé pour l’OEB.
La correction d’irrégularités
Non respect des conditions minimales
Le non-respect d’une des trois conditions minimales citées précédemment entraine l’envoi d’une notification de la part de l’OEB au déposant (R55 CBE).
À partir de la réception de cette notification, le déposant dispose alors d’un délai de 2 mois (R55 CBE) pour procéder à la régularisation de son dépôt :
- s’il y a régularisation, la date de dépôt est alors celle de la date où l’OEB reçoit la correction ;
- s’il n’y a pas de régularisation, il n’y a pas de date de dépôt.
Si l’identification du déposant n’est pas suffisante pour permettre l’envoi de cette notification, on considère que le délai de 2 mois court à compter du dépôt lui-même (puisqu’on ne peut pas l’en avertir, Directives A-II 4.1.4) : au déposant de s’en rendre compte lui-même !
Cas particulier des parties manquantes dans la description ou les dessins
Principe
Comme expliqué ci-dessus, il peut arriver que le déposant fasse une erreur lors du dépôt de sa description ou des dessins.
Par exemple (et Dieu sait si cela arrive !), seule une page sur deux a été fournie à l’OEB à cause d’une photocopie réalisée sur le recto des feuilles au lieu des rectos et des versos…
Dans cette hypothèse, une correction peut être possible sous certaines conditions.
Identification de l’erreur/oubli et conditions temporelles
Dans un premier temps, la correction n’est possible que :
- si le demandeur se rend compte de son erreur et demande une correction dans un délai de 2 mois après le dépôt (R56(2) CBE), ou
- si l’OEB se rend compte de l’erreur du demandeur (mais rien n’est garanti R56(1) CBE) et que ce dernier demande alors la correction moins de 2 mois après avoir reçu la notification de l’OEB (R55 CBE, oubli total ou R56(2) CBE oubli partiel de la description).
Correction à l’aide d’un document de priorité
Correction d’un oubli (page, partie, élément) de la description et des dessins
Si une des conditions ci-avant est remplie, il faut alors regarder si la partie que l’on a oubliée existe intégralement dans un éventuel document dont on revendique la priorité (notons d’ailleurs que l’on peut ajouter un nouveau document de priorité si l’on veut selon la R52(3) CBE).
Si oui, une correction est possible (R56(3) CBE).
Il faudra alors fournir à l’agent des formalités les éléments suivants :
- une demande de correction (R56(3) CBE) ;
- une copie de la demande prioritaire (R56(3) a) CBE, sauf si la demande prioritaire est (JO 2020, A57) :
- une demande européenne,
- une demande internationale si le RO est l’OEB :
- une demande américaine (normales ou « provisionnal »)
- pour les « provisionnal » , il faut déposer une formulaire PTO/SB/39 à l’USPTO pour l’autoriser à communiquer cette demande (« Communiqué de l’Office européen des brevets, en date du 27 juin 2007, relatif aux aspects pratiques de l’échange électronique de documents de priorité entre l’OEB et l’Office des brevets et des marques des États-Unis (USPTO) » , JO 2007, 473),
- une demande coréenne (de brevet ou de modèle d’utilité),
- une demande chinoise (de brevet ou de modèle d’utilité),
- une traduction si la demande prioritaire n’est pas dans une langue officielle de l’OEB (R56(3) b) CBE) :
- si la demande prioritaire est dans une langue différente de la langue de la procédure, mais pour autant, c’est une langue officielle de l’OEB, il est nécessaire (Directives A-II 5.4.4) :
- de produire une traduction des parties manquante dans la langue de la procédure (pour respecter R56(1) CBE et R3(2) CBE) (Directives A-II 5.4.4 i) ;
- de produire les parties manquante ainsi qu’une déclaration selon laquelle les parties manquantes sont une traduction fidèle des parties de la demande prioritaire (Directives A-II 5.4.4 ii).
- une indication de l’endroit exacte où les parties manquantes de la description ou les dessins manquants figurent intégralement (R56(3) c) CBE).
Dans cette hypothèse, la correction sera acceptée et la date de dépôt ne sera pas modifiée (R56(3) CBE).
Correction des revendications ?
En théorie, la lettre de la R56(1) CBE ne permet pas de corriger un oubli dans les revendications.
L’idée devait être que les dispositions de l’A90(4) CBE ensemble R58 CBE ensemble R57 c) CBE devraient être suffisantes.
Il semble néanmoins possible, à l’extrême limite, de corriger la description en ajoutant à celle-ci les revendications de la demande antérieure (cela permettra de ne pas violer l’A123(2) CBE si des revendications doivent être ajoutées par la suite).
Correction d’un élément erroné ?
Par principe, il n’est pas possible de corriger un élément erroné à l’aide des dispositions de la R56 CBE (J27/10).
La rectification n’est possible qu’en vertu de la R139 CBE en cas d’erreur (J19/80).
Néanmoins, s’il apparait très clairement que les figures déposées ne sont pas correctes (ex. de nombreuses références ne sont pas décrites), cette correction semble possible (J2/12) s’il peut être établi sans appliquer de connaissances techniques :
- que les Figures initialement déposées ne sont pas celles auxquelles la description fait référence, et
- que les Figures fournies plus tard sont celles auxquelles la description fait référence.
Correction d’un élément illisible ?
Il n’est pas possible de corriger un élément illisible à l’aide des dispositions de la R56 CBE (ex. figures illisibles, J12/14).
Autres corrections
Dans toutes les autres hypothèses, on ne pourra pas procéder à la correction sans modifier la date de dépôt (i.e. qui deviendra la date à laquelle intervient la correction).
Dès lors, l’OEB, à la réception des pièces de correction, préviendra le déposant que cette correction entraine une modification de la date de dépôt (R56(5) CBE).
Le déposant disposera alors d’un délai de 1 mois pour s’y opposer (R56(5) CBE) et ainsi renoncer aux corrections qu’il a lui-même proposées.
Si finalement aucune modification n’est apportée (ou n’est acceptée par le déposant), un « nettoyage » de la demande s’impose (R56(4) CBE) : il faut alors retirer de la description toute référence aux dessins manquants (Directives A-II 5.5) afin que les tiers puissent s’y retrouver lorsque la demande sera publiée !