L’opposition est une procédure extrêmement utile pour les tiers.
En effet, après délivrance d’un brevet, un tiers peut s’opposer à cette délivrance et demander à l’OEB d’annuler le brevet.
En pratique, après une opposition :
- 1/3 des brevets sont maintenus ;
- 1/3 des brevets sont maintenus sous une forme modifiée (i.e. limitée) ;
- 1/3 des brevets sont révoqués.
La division d’opposition
Principe
La division d’opposition est constituée de trois examinateurs-techniciens (A19(2) CBE) dont deux n’était pas dans la division d’Examen.
Si la division d’opposition comporte deux membres de la division d’Examen, sa décision sera susceptible d’être annulée pour vice de procédure (T285/11)
Ils peuvent se faire éventuellement assistés par un juriste qui n’a pas participé à la délivrance (A19(2) CBE). Dans l’hypothèse où la division d’opposition a été élargie à 4 membres, il est possible que celle-ci exerce son pouvoir discrétionnaire afin de réduire la division à 3 membres (si les circonstances ayant motivé l’élargissement ont disparu, T1254/11).
L’Examinateur qui a réalisé l’Examen de la demande durant la procédure d’Examen ne peut pas être président (A19(2) CBE).
Le président a une voix prédominante en cas de partage des voix (A19(2) CBE).
Récusation d’un membre de la division d’opposition
Même si les dispositions de l’A24(3) CBE concernant la récusation ne devraient s’appliquer qu’aux membres des chambres de recours et de la grande chambre de recours, la décision G5/91 a indiqué que l’obligation d’impartialité s’applique également aux agents des organes de première instance de l’OEB.
Néanmoins, le fait qu’un membre de la division d’opposition soit un ancien salarié du déposant n’est pas une raison suffisante pour déclarer que ce membre est partial (T143/91).
Si un membre d’une chambre possède un lien familial étroit avec une partie, il convient que ce membre se mette en retrait (G1/05).
Portée territoriale et effets
L’opposition est la dernière chance pour un tiers d’obtenir la nullité (ou une limitation) du brevet :
- de manière centralisée, pour tous les pays (A99(2) CBE), et
- de manière rétroactive (A68 CBE).
Portée territoriale
L’opposition vise tous les États désignés (A99(2) CBE, y compris les États d’extension).
Il n’est pas possible de ne faire opposition que pour certains pays : dans ce cas, il sera considéré que l’opposition vise tous les États désignés (Directives D-I 3).
Néanmoins, cela ne signifie pas que l’opposition doit traiter tous les États désignés de la même façon. En effet, il peut exister plusieurs jeux de revendications délivrés du fait :
- d’un transfert partiel (R18(2) CBE) ;
- de droits nationaux antérieurs (R138 CBE) ;
- d’art antérieur pertinent que pour certains États du fait de leurs désignations (A54(4) CBE73).
Ainsi, les modifications apportées aux revendications peuvent être différentes en fonction du jeu considéré : le brevet peut même être révoqué pour certains États tandis qu’il est maintenu pour les autres (Directives D-I 3).
Pour autant, il n’est pas possible d’utiliser un droit national antérieur lors d’une opposition.
Extinction ou renoncement du brevet dans tous les États désignés
Une opposition est possible même s’il a été renoncé au brevet dans tous les États désignés ou si le brevet s’est éteint dans tous ces États (R75 CBE, Directives D-I 2).
En effet, l’opposant peut vouloir bénéficier de la rétroactivité de la révocation pour se protéger.
Rétroactivité
Certains droits ont pu naitre de la simple demande de brevet (protection provisoire) et de sa délivrance : il peut être donc utile de chercher à les annuler rétroactivement (A68 CBE, les effets du brevet sont réputés n’avoir pas eu d’effet).
Qualité des parties et délai
Titulaire
Bien entendu, le titulaire fait partie de droit à la procédure d’opposition (A99(3) CBE).
S’il existe plusieurs titulaires différents en fonctions des États désignés, ils sont considérés comme copropriétaires dans la procédure d’opposition (A118 CBE).
Opposant
Tout tiers
L’opposant peut être tout tiers (A99(1) CBE), sans considération d’intérêt à agir (G3/97 et Directives D-I 4).
Il est même possible que plusieurs personnes fassent une opposition conjointe (R151(1) CBE) pour autant qu’ils soient correctement désignés avant la fin du délai d’opposition (T25/85 et G3/99). Dans ce cas, il faudra désigner un représentant commun. S’il n’est pas désigné, l’OEB le désignera (R151(1) CBE) :
- le mandataire du demandeur cité en premier lieu dans la requête ;
- à défaut, le mandataire d’un autre demandeur qui doit en constituer un pour la suite de la procédure ;
- à défaut, le demandeur cité en premier lieu dans la requête.
Limitation du terme « tous tiers »
La seule limitation à ce principe est que le titulaire lui-même ne peut pas faire lui-même opposition à son propre brevet (G9/93) même si pendant un temps cela a pu être autorisé (G1/84).
Non-limitation du terme « tous tiers »
Il est tout à fait possible de faire opposition à un brevet afin de s’entrainer (T798/93).
Une clause de non-contestation dans un contrat de licence n’entraine pas, en règle générale, une irrecevabilité de l’opposition (G3/97).
Un inventeur ou un actionnaire de la société titulaire peut très bien former une opposition valable (T864/04).
Homme de paille
Notons enfin que l’utilisation d’un prête-nom (ou « homme de paille ») est possible afin de cacher la véritable identité du tiers souhaitant faire opposition. Cette utilisation est cependant limitée (G3/97 et G4/97) :
- un opposant ne doit pas masquer le titulaire du brevet ;
- un opposant, non-mandataire, qui effectue des actions qui dans l’ensemble sont caractéristiques de celles d’un mandataire agréé (car cela serait un contournement abusif de l’obligation faite de se faire représenter par un mandataire).
Il n’y a pas de problème :
- si un mandataire agit en son nom propre, mais pour le compte de son client ;
- si l’opposant a son domicile ou son siège social dans un État contractant et agit pour le compte d’un tiers qui ne remplit pas cette condition ;
- si l’opposant « de paille » confirme bien qu’il agit pour un tiers (identifié ou non) (T2365/11).
La preuve d’un contournement de la procédure doit être apportée par celui l’invoque : cette preuve doit être claire et sans équivoque (G3/97)
Identification
L’opposant doit clairement être identifié avant la fin du délai d’opposition.
Pour autant, une erreur d’identification peut être corrigée au regard de la R139 CBE (T579/16). Pour cela il faut respecter trois conditions (analogie avec G1/12):
- la correction doit refléter l’intention véritable.
- la charge de la preuve incombe à l’Opposante,
- les exigences de preuve sont grandes (ex. e-mails d’instruction) ;
- l’erreur peut être une indication inexacte : c’est le cas dans le cas d’une erreur d’identification de l’opposant ;
- la requête en correction doit être présentée sans délai.
Représentation
Si un opposant n’a ni domicile ni siège social sur le territoire d’un État contractant, il est nécessaire qu’il se fasse représenter (A133(2) CBE).
Si les conditions de nécessité d’un mandataire sont remplies, mais qu’aucun mandataire n’est constitué, il existe une irrégularité (R77(2) CBE). L’OEB le notifie à l’opposant et l’invite, dans un délai imparti, à y remédier.
Attention, si une opposition est formée par un mandataire ou un employé de l’opposant, il peut nécessaire que celui-ci dépose un pouvoir signé (R152(1) CBE et « Décision de la Présidente de l’Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de pouvoirs » , JO 2007, édition spéciale n° 3, L.1) :
- pour un mandataire agréé :
- en cas de remplacement d’un ancien mandataire dont la fin de mandat n’a pas été notifiée à l’OEB, sauf si :
- il est fait référence à un pouvoir général déjà enregistré auprès de l’OEB ;
- l’OEB est notifié de la fin du mandat de l’ancien mandataire avant la fin du délai imparti.
- si les circonstances l’exigent (ex. en cas de doute de l’OEB).
- en cas de remplacement d’un ancien mandataire dont la fin de mandat n’a pas été notifiée à l’OEB, sauf si :
- pour un avocat :
- dans tous les cas sauf s’il est fait référence à un pouvoir général déjà enregistré auprès de l’OEB ;
- pour un employé de l’opposant :
- dans tous les cas sauf s’il est fait référence à un pouvoir général déjà enregistré auprès de l’OEB.
Si le pouvoir n’est pas déposé, il est demandé au mandataire ou l’employé de remédier à cette irrégularité dans un délai imparti.
Si ce pouvoir n’est toujours pas déposé dans ce délai, l’opposition est réputée non formée (Directives D-IV 1.2.1 iv).
Si en cours d’opposition, l’opposant « perd » son mandataire (ex. radiation, décès, etc.), il est invité à en désigner un. S’il ne donne pas suite à cette invitation, il reçoit quand même la date de la procédure orale, mais son attention sera attirée sur le fait que, s’il se présente seul, il ne pourra pas intervenir (Directives A-VIII 1.1).
Transfert de la qualité d’opposant
La transmission n’est possible qu’en cas (Directives D-I 4) :
- de succession héréditaire (R84(2) CBE) ;
- de succession universelle (ex. fusion de personne morale) ;
- même si la fusion n’est pas inscrite au REB selon R22(3) CBE, le successeur universel devient tout de même opposant immédiatement (T15/01).
- de succession partielle (i.e. cession d’un département)
- si l’action en opposition a été intentée dans l’intérêt de l’élément patrimonial cédé (G4/88).
- cela n’est pas possible si l’élément patrimonial est une filiale (G2/04), car celle-ci a une personnalité juridique propre.
- il est nécessaire d’apporter la preuve que la qualité d’opposant a bien été transmise avec l’élément patrimonial cédé (T298/97) : le simple intérêt de voir annuler le brevet n’est pas suffisant.
La subrogation de la société mère aux sociétés affiliées est également possible (Directives D-I 4).
Ces dispositions s’appliquent également au stade :
- du recours (G4/88) ;
- de la période pour former recours (T563/89 ensemble G4/88). Il est tout à fait possible de faire un recours au nom d’une personne (la personne supposée correcte selon l’interprétation du requérant) et à titre subsidiaire, une autre personne (i.e. autre interprétation possible, G2/04).
Il convient de noter que la date pertinente pour apprécier le transfert de la qualité d’opposant est la date de la fourniture à l’OEB des papiers prouvant la succession/cession (T1563/13) : dès lors, si un opposant cède son activité, puis forme recours, et enfin fournit les papiers prouvant la cession, le recours sur opposition est bien valide et le transfert peut s’opérer.
Vérification de la qualité d’opposant
L’OEB doit, à chaque stade de la procédure, vérifier la qualité de l’opposant : il peut très bien arriver que l’opposant ayant fait recours se voit sa qualité d’opposant remise en cause par la chambre de recours (T1178/04).
Parties à la procédure et fin
L’opposant est partie à la procédure d’opposition (A99(3) CBE), mais uniquement jusqu’à son retrait éventuel ou au rejet (passé en force de chose jugée) de son opposition (Directives D-I 6).
Intervenant
Condition d’intervention
Principe
Un tiers peut « intervenir » lors d’une opposition déjà formée dans l’hypothèse où (A105(1) CBE) :
- ce tiers a été attaqué en contrefaçon (A105(1) a) CBE) ; ou
- ce tiers a été mis en demeure de cesser ses actes contrefaisants et qu’il a engagé une action en déclaration de non-contrefaçon (A105(1) b) CBE).
- Pour autant, la mise en demeure ne doit pas seulement être une lettre mettant en garde contre une possible contrefaçon et se réservant les droits d’agir en justice dans le futur (T392/97).
Il convient de noter qu’une saisie contrefaçon (T305/08) ou un Beweissicherungsverfahren (équivalent allemand de la saisie contrefaçon, T1746/15) ne permettent pas de fonder une intervention.
Sur la base de ce brevet / États d’extension
L’attaque en contrefaçon ou la mise en demeure doit se fonder sur « ce brevet » (A105(1) a) CBE et A105(1) b) CBE).
Ainsi, une attaque en contrefaçon dans un État d’extension sur la base d’un brevet obtenu par une extension ne permettra pas de présenter valablement une intervention (T1196/08).
L’intervention doit être fondée sur une action judiciaire introduite dans un état désigné et non un état d’extension (T7/07 et T1196/08).
Tiers à la procédure
Principe
L’intervenant doit être un tiers à la procédure : ainsi un opposant qui n’a pas fait recours, mais qui souhaite intervenir (car il existe plus de liberté concernant les arguments et les demandes pouvant être présentés) ne peut pas intervenir puisqu’il est déjà partie à la procédure conformément à l’A107 CBE (T1038/00).
Cas des groupes de sociétés
Si la maison mère est opposante, cela n’empêche pas la filiale de faire une intervention du moment que les conditions de l’A105(1) CBE sont remplies (T305/08 ou T435/17).
Cas des hommes de pailles
De la même manière, si une personne fait agir pour son compte un homme de paille pour former une opposition, puis forme une opposition, nous pouvons nous demander si cette personne est véritablement un tiers à la procédure : en l’espèce, il y a bien des entités juridiques distinctes et donc l’intervenant est bien un tiers (T384/15).
On peut se poser la question de l’abus de procédure mais il faut regarder les cas d’espèce.
Conditions relatives à l’opposition en cours
L’intervention peut être formé tant qu’une procédure d’opposition est pendante (A105(1) CBE) i.e. :
- il existe une procédure d’opposition recevable et en instance (G4/91 et Directives D-VII 6) ;
- la décision finale n’a pas été encore rendue (G4/91 i.e. remise au service du courrier interne de la décision, soit 3 jours avant la date indiquée sur la décision G12/91, à moins qu’une date de remise au courrier interne soit clairement indiquée sur la décision, T2573/11).
- si aucun recours n’est formé, il n’est pas possible de réaliser une intervention pendant la période de temps comprise entre la décision finale et la fin du délai de recours (G4/91).
- si un recours est formé, l’intervenant sera considéré comme « intervenant au stade du recours » (voir plus bas, Directives D-VII 6), car le recours a un effet suspensif.
Si elle est produite avant la fin du délai d’opposition, la déclaration d’intervention sera interprétée comme une opposition (A105(1) CBE).
En cas de retrait de l’opposition par le dernier opposant et d’intervention le même jour par un tiers, il semble que l’intervention est recevable puisque le retrait d’une opposition ne signifie pas automatiquement la fin de la procédure d’opposition (R84(2) CBE).
Délai
L’intervenant doit produire une déclaration d’intervention dans les 3 mois à compter de la première (T296/93) action judiciaire mentionnée ci-dessus (i.e. action introductive, R89(1) CBE).
Dans l’affaire T452/05, cette première action a été considérée être la signification de l’action (« injunctive order was served« ), mais cela peut dépendre du droit national considéré.
Ni l’A121 CBE ni l’A122 CBE ne s’applique à ce délai, car le tiers n’est ni demandeur ni titulaire.
Procédure
En pratique, l’intervenant doit produire, dans le délai indiqué plus haut, une déclaration écrite et motivée, sous la forme d’un acte d’opposition (R89(2) CBE ensemble R76 CBE).
La preuve de l’action judiciaire doit être apportée (A105(1) CBE).
La taxe d’opposition doit être payée dans les mêmes délais afin que l’intervention soit correctement présentée (R89(2) CBE et A2(1).10 RRT : [montant_epo default= »745 € » name= »A2(1).10 RRT »]).
La division d’opposition peut décider de ne pas transmettre cette déclaration d’intervention au titulaire/aux autres opposants et/ou ne pas proposer au titulaire de présenter ses observations et de modifier sa demande (R79(4) CBE).
L’agent des formalités informe l’intervenant de l’état de la procédure et lui demande de faire savoir sous 1 mois si certaines pièces transmises par les autres parties lui sont nécessaires (et le cas échéant, lui transmet) (Directives D-IV 5.6).
Effets
Principe
L’intervenant est partie à la procédure d’opposition (A105(1) CBE) jusqu’à son retrait éventuel ou au rejet (passé en force de chose jugée) de son intervention (Directives D-I 6).
Si l’intervention est admissible, l’intervenant est assimilé à un opposant (A105(2) CBE) et il aura les mêmes droits (comme celui de former recours) : de ce fait, si tous les autres opposants retirent leur opposition, l’intervenant pourra poursuivre la procédure (G3/04).
Pas de nouvelle mesure
Il semble toutefois impossible pour l’intervenant d’attaquer de nouvelles revendications qui avaient précédemment été épargnées par les « véritables » opposants (G9/91, point 10).
Nouveaux motifs / arguments / preuves
Un intervenant peut introduire tout nouveau motif d’opposition, argument ou preuve dans son intervention même si le délai pour former opposition a déjà expiré (sinon cela rendrait sans objet le principe même de l’intervention et les R89(2) CBE ensemble R76 CBE) (T2951/18).
Points déjà tranchés
Néanmoins, si certains aspects de l’opposition ont déjà été tranchés, l’intervenant ne peut plus revenir sur ce qui a déjà été tranché (T694/01). Ainsi, si la division d’opposition a décidé de maintenir le brevet sous forme modifiée, l’intervenant ne pourra que discuter les problèmes de mise en conformité de la description et des dessins avec les revendications.
Retrait d’une intervention
L’intervenant devient un opposant du fait de son intervention (cf. plus haut). Dès lors, l’effet d’un retrait d’un intervention est le même que celui d’une opposition (T1665/16).
Dès lors, les documents cités par un intervenant font parties de la procédure sans avoir à discuter de leur recevabilité, que cela soit en première instance ou en recours (T1665/16).
Intervention au stade du recours
Principe
Si l’intervention arrive au stade du recours, l’intervenant est assimilé à un requérant n’ayant pas formé recours (G3/04). Ainsi, si tous ceux qui ont formé recours se retire, l’instance disparait.
Il doit acquitter la taxe d’opposition (A105(1) CBE et R89(2) CBE et et A2(1).10 RRT : [montant_epo default= »745 € » name= »A2(1).10 RRT »]).
Retrait de l’opposition le jour même
Si le dernier requérant retire son recours le même jour que l’intervenant dépose sa déclaration, il convient de regarder l’ordre chronologique exact de ces événements pour savoir si l’intervention est recevable (T517/97) :
- si l’intervention est déclarée recevable, la procédure de recours disparait (G3/04) et la taxe d’opposition n’est pas remboursée ;
- sinon la taxe d’opposition est remboursée, car l’intervention n’est pas recevable.
Pas de nouvelle mesure
Il ne semble pas possible d’attaquer de nouvelles revendications, i.e. des revendications qui, jusqu’à là, n’avaient pas fait l’objet d’attaque (G9/91).
Nouveaux motifs / arguments / preuves
L’intervenant peut présenter de nouveaux arguments et de nouveaux motifs de l’A100 CBE non présentés (G1/94). Si de nouveaux motifs sont soulevés, il y a lieu en général de renvoyer l’affaire devant la division d’opposition (sauf cas particulier G1/94).
Points déjà tranchés
Si certains aspects de l’opposition ont déjà été tranchés, l’intervenant ne peut plus revenir sur ce qui a déjà été tranché (T694/01). Ainsi, si la chambre de recours a décidé de maintenir le brevet sous forme modifiée, l’intervenant ne pourra que discuter les problèmes de mise en conformité de la description et des dessins avec les revendications (même si l’affaire est renvoyée à la division d’opposition, A111 CBE, autorité de la chose jugée).
Parties et suspension de la procédure
Suspension
L’opposant ou l’intervenant ne peut pas requérir une suspension de procédure : il faut qu’il s’agisse d’un tiers à la procédure (R78(1) CBE).
Par ailleurs, cette suspension ne peut être décidée que si la division d’opposition considère l’opposition comme recevable.(R78(1) CBE et Directives D-VII 4.1).
Substitution partielle
En cas de reprise de la procédure et si le tiers est substitué au titulaire (A99(4) CBE) que pour une partie des États désignés (le protocole de reconnaissance ne s’appliquant pas, une substitution par un tribunal français n’aura pas d’effet dans les autres pays), le brevet européen maintenu peut contenir plusieurs jeux description-dessins pour différents États désignés (R78(2) CBE).
L’unicité du brevet s’en trouve donc affectée.
L’ancien titulaire et le nouveau titulaire « partiel » du brevet ne seront pas considérés comme copropriétaire (A99(4) CBE) sauf s’ils le demandent.
Les deux procédures d’opposition peuvent ainsi avoir des issues différentes (Directives D-VII 3.2).
Retrait de l’opposition, renonciation au brevet et poursuite d’office
L’opposition peut être retirée (R84(2) CBE).
Retrait de toutes les oppositions
Si toutes les oppositions sont retirées, cela ne signifie pas qu’il est mis fin à la procédure d’opposition (voir la poursuite d’office ci-dessous, R84 CBE).
L’opposant qui a retiré son opposition cesse d’être partie à la procédure et ne peut plus corriger son retrait ou former recours contre la décision à venir (T283/02).
La division d’opposition ne peut terminer l’opposition que par une décision (Directives D-VIII 1.1 ensemble A101(2) CBE, A101(3) CBE) :
- révocation du brevet ;
- maintien sous forme modifiée du brevet ;
- rejet de l’opposition ;
- décision formelle constatant le retrait de toutes les oppositions (R84(2) CBE, dernière phrase).
Retrait par un des opposants
Retrait par un opposant ayant formé seul une opposition
Si un opposant retire son opposition, alors qu’il existe d’autres oppositions recevables, la procédure d’opposition continue normalement.
L’opposant qui a retiré son opposition cesse d’être partie à la procédure et ne peut plus corriger son retrait ou former recours contre la décision à venir (T283/02).
Retrait par un opposant ayant formé une opposition conjointe
Si un opposant ayant formé une opposition conjointe retire son opposition (et qu’il reste des opposants dans cette opposition conjointe), la procédure d’opposition continue normalement (G3/99).
Seul le représentant commun de cette opposition conjointe peut notifier ce retrait : dans l’hypothèse où la personne voulant retirer son opposition (n’étant pas représentant commun) envoie un courrier à l’OEB, ce courrier sera réputé non présenté, car non signé du représentant commun (R86 CBE ensemble R50(3) CBE et G3/99).
Si c’est le représentant commun qui retire son opposition, un nouveau représentant doit être désigné ou à défaut c’est l’OEB qui le désignera selon R151 CBE (G3/99).
Renonciation, révocation, extinction du brevet
Devant l’OEB
Lorsque le titulaire décide de demander l’abandon/retrait de son brevet devant l’OEB (soit devant la division d’opposition dans une requête spéciale, soit à l’aide de la procédure de révocation de l’A105bis CBE), l’OEB interprète toujours cette demande comme une demande de révocation ayant des effets rétroactifs (Directives D-VII 5.1).
S’il existe une ambiguïté, il est demandé au titulaire de repréciser sa demande (Directives D-VIII 1.2.5).
En cas de révocation devant l’OEB, le brevet est annulé ex tunc (rétroactivement) et il convient de mettre fin à la procédure d’opposition (qui est alors sans cause).
Auprès des États désignés
Il est possible qu’en cours d’opposition (R84(1) CBE) :
- le titulaire renonce au brevet devant tous les États désignés (et non devant l’OEB) ou
- le brevet devienne éteint devant tous les États désignés (et non à l’OEB).
La renonciation ou l’extinction devant les États désignés n’a pas d’effet rétroactif, mais seulement ex nunc (i.e. pour l’avenir).
Il est souvent demandé au titulaire de prouver ce point en fournissant des extraits des registres des États contractants (Directives D-VII 5.1).
L’opposant peut demander à ce que la procédure d’opposition continue (R84(1) CBE) : il est alors nécessaire de présenter une requête dans les 2 mois à compter de la notification de l’OEB informant l’opposant de ce fait. Sinon la procédure sera close (Directives D-VII 5.1).
Ce délai de 2 mois ne bénéficie pas de la restitutio in integrum de l’A122 CBE (T1403/16) : en effet, l’inobservation du délai n’entraine aucune perte de droit, puisque, en application de l’A114 CBE, l’OEB peut de décider de poursuivre ou non, à sa discrétion. Dès lors, la fin du délai de 2 mois ne provoque en soi aucune conséquence juridique sur l’opposition.
Si le titulaire a renoncé, devant les autorités compétentes des États contractants, à tous les droits attachés au brevet (y compris ceux antérieurs, ex. protection provisoire, etc.), l’opposant n’aura pas la possibilité de continuer la procédure d’opposition et celle-ci sera close d’office (Directives D-VII 5.1).
Poursuite d’office de la procédure
Dès qu’un opposant retire son opposition, décède ou devient incapable, la division d’opposition doit informer les autres parties (titulaire, autres opposants, intervenants, etc.) que la procédure est poursuivie d’office (R84(2) CBE et Directives D-VII 5.2, la poursuite de la procédure d’office ne s’appliquant pas que lorsqu’il ne reste plus d’opposants).
Sinon la procédure est close (Directives D-VII 5.2) et cette décision de clôture est susceptible de recours par le titulaire (T197/88).
La poursuite d’office de l’opposition est prononcée, sans aucun opposant, si (Directives D-VII 5.2) :
- le titulaire a proposé des modifications (T560/90) ;
- la procédure semble, sans effort particulier ou sans couteuses investigations, aboutir à une limitation ou à une révocation du brevet (T197/88).
Inscriptions au REB
En cas de non-opposition
Si aucun acte d’opposition n’est versé au dossier dans le délai de 9 mois, le titulaire en est informé et il en est fait mention au BEB (Directives C-V 13).
Une inscription est également faite au REB.
En cas d’opposition
Si une opposition est formée, la date correspondante est inscrite au REB (R143(1) q) CBE).
Par ailleurs, la date de la fin de la procédure est également inscrite au REB ainsi que l’issue de la procédure (R143(1) r) CBE).
Aspects formels
Délai d’opposition
Le délai pour former une opposition valable est de 9 mois (A99(1) CBE) à compter de la publication de la mention de la délivrance au BEB (A97(3) CBE).
L’A122 CBE ou A121 CBE n’est pas applicable au délai d’opposition.
Si l’opposition est formée :
- après ce délai, elle est déclarée irrecevable (R77(1) CBE) ;
- avant la publication de la mention, elle n’est pas considérée comme une opposition, mais comme une observation de tiers de l’A115 CBE (Directives D-IV 1.1) :
- la taxe d’opposition versée est remboursée ;
- l’acte d’opposition est versé au dossier et ouvert à l’inspection publique.
Taxe d’opposition
Principe
La taxe d’opposition doit être payé dans le délai d’opposition, sinon l’opposition est réputée non-formée (A99(1) CBE).
Cette taxe est de [montant_epo default= »745 € » name= »A2(1).10 RRT »] (A2(1).10 RRT).
Si une opposition conjointe est réalisée par plusieurs opposants, une seule taxe est requise (G3/99).
Paiement incomplet
S’il manque qu’une petite partie de la somme (env. 10 %, J11/85), l’agent des formalités peut quand même considérer que le paiement est effectué correctement (A8 RRT et Directives D-IV 1.2.1 i).
Bien entendu, le déposant doit verser la somme manquante dans un délai imparti (T290/90), souvent 2 mois.
Remboursement de la taxe
En cas d’opposition réputée non formée, la taxe est remboursée (T323/87 et Directives D-IV 1.4.1).
Réduction de la taxe
Réduction avant le 1er avril 2014
Si l’opposant a son domicile (ou son siège social) dans un des États contractants (ou s’il est le national d’un de ces États ayant son domicile à l’étranger) et que celui-ci à une langue officielle autre que l’allemand, l’anglais ou le français, il peut déposer la déclaration d’opposition (de la R76(2) c) CBE) dans cette langue (A14(4) CBE).
Dans cette hypothèse, la taxe d’opposition est réduite de 20 % (R6(3) CBE ensemble A14(1) RRT).
Réduction à compter du 1er avril 2014
Pour les oppositions formées à compter du 1er avril 2014, aucune réduction n’est possible (« Décision du Conseil d’administration du 13 décembre 2013 modifiant la règle 6 du règlement d’exécution de la Convention sur le brevet européen et l’article 14(1) du règlement relatif aux taxes » , JO 2014, A4).
Forme de l’opposition
Obligation
L’opposition doit être formée par écrit, et doit être motivée (R76(1) CBE). En principe cet écrit doit être dactylographié ou imprimé (R76(3) CBE et R50(2) CBE).
Si l’opposition n’est pas formée par écrit, l’opposition est irrecevable (R77(2) CBE).
Une marge de 2,5 cm doit être réservée sur la gauche de la feuille (R76(3) CBE et R50(2) CBE).
Préférence
Un formulaire 2300 est disponible sur le site de l’OEB.
Préférentiellement, l’opposition doit respecter les conditions de la R49(3) CBE (Directives D-III 3.1) :
- les feuilles doivent être préférentiellement dans le format A4 et être utilisées en format portrait (sauf éventuellement pour les dessins, les tableaux ou les formules mathématiques) ;
- les feuilles doivent être préférentiellement numérotées avec un chiffre arabe centré en haut de la feuille (mais sans être dans la marge) ;
- pour les textes dactylographiés, l’interligne doit être préférentiellement de 1,5 ;
- tous les textes doivent être préférentiellement avec une police dont les majuscules ont au moins 2,1 mm de haut (la taille dépend de la police choisie donc attention) et en noir ;
- les marges ne peuvent être préférentiellement inférieures au schéma suivant :
Dépôt par voie électronique
L’opposition peut être formée par voie électronique (« Décision du Président de l’Office européen des brevets, en date du 9 mai 2018, relative au dépôt électronique de documents » , JO 2018, A45).
Dépôt par télécopie / fax
Une opposition peut normalement être formée par télécopie (Directives D-III 3.3 et “Décision du Président de l’Office européen des brevets, en date du 20 février 2019, relative au dépôt de demandes de brevet et d’autres pièces par téléfax” , JO 2019, A18) .
Une confirmation par courrier peut alors être demandée. Si l’opposant ne répond pas à cette invitation, le fax est réputé non reçu et l’opposition est réputée non formée (Directives D-IV 1.2.1 iii).
Si le mémoire d’opposition est transmis en butée en délai, il faut faire attention à l’heure de la transmission de la dernière page : en effet, l’OEB que le document sera transmis lorsque la dernière page sera transmise. Si la dernière page est transmise à 00h01 le lendemain du jour du dernier délai, le mémoire sera hors délai (T858/18) et il ne sera pas possible de considérer que les pages reçues avant minuit constituent un mémoire recevable.
Signatures de l’acte d’opposition
L’acte d’opposition doit être signé de la main de l’opposant ou du mandataire (R76(3) CBE ensemble R50(3) CBE).
Un paraphe ou des initiales ne sont pas suffisants (Directives D-III 3.4).
Si l’acte n’est pas signé, l’agent des formalités invite l’opposant/mandataire à remédier à cette irrégularité dans un délai imparti (R50(3) CBE).
Si l’irrégularité n’est pas corrigée dans le délai imparti, l’opposition est réputée non formée (Directives D-IV 1.2.1 ii).
L’A122 CBE ou A121 CBE n’est pas applicable au délai imparti.
Langues
Acte d’opposition
L’acte d’opposition doit être déposé dans une langue officielle de l’OEB (i.e. allemand, français, anglais, R3(1) CBE).
Il est cependant possible de déposer l’opposition dans la langue officielle d’un État membre si l’opposant a son domicile (ou son siège social) dans de cet État, ou s’il est le national de cet État ayant son domicile à l’étranger, et que celui-ci à une langue officielle autre que l’allemand, l’anglais ou le français (A14(4) CBE).
Une traduction doit être remise (A14(4) CBE) au plus tôt simultanément avec la pièce non traduite (G6/91) dans une des langues officielles de l’office, quelle que soit la langue de la procédure (Directives A-VII 2) et dans le délai expirant le plus tard parmi :
- un délai de 1 mois à compter de la date de remise de la pièce (R6(2) CBE, et non à compter de la fin du délai) .
- le délai d’opposition (R6(2) CBE).
Ces délais ne bénéficient pas de l’A121 CBE ou A122 CBE.
Si la traduction requise n’est pas produite dans les délais, l’opposition est réputée non formée (A14(4) CBE, dernière phrase).
Preuves, art antérieur, etc.
Les autres documents qui servent de preuves peuvent être produits dans n’importe quelle langue (même si une traduction peut également être demandée dans un délai qui ne peut pas être inférieur à 1 mois, R3(3) CBE).
Lieu de dépôt
L’opposition doit être déposée directement auprès de l’OEB (A99(1) CBE) : Berlin, La Haye ou Munich (Directives D-III 1).
Si l’opposition est déposée autre part (ex. office national, agence de Vienne, etc.), une transmission est possible (mais il n’existe aucune obligation Directives D-IV 1.2.2.1 i)), mais la date importante reste la date de réception finale par l’OEB (T522/94).
Contenu de l’acte d’opposition
L’acte d’opposition donne la « portée » de l’opposition.
Considérations générales
Il doit contenir :
- R76(2) a) CBE :
- le nom,
- l’adresse,
- la nationalité et l’État du domicile ou du siège de l’opposant (R41(2) c) CBE) ;
- R76(2) b) CBE :
- le numéro du brevet européen contre lequel l’opposition est formée,
- le nom du titulaire du brevet,
- le titre de l’invention.
- R76(2) c) CBE :
- les numéros des revendications attaquées y compris les dépendantes (la « mesure ») ;
- les motifs sur lesquels l’opposition se fonde (i.e. les motifs de l’A100 CBE).
- Si des motifs sont oubliés, leur introduction ultérieure sera considérée comme tardive.
- Un argument tardif est soumis au test de la « pertinence prima facie » , i.e. il est acceptable si, de prime abord, la brevetabilité est remise en question en réfléchissant 10 minutes (G 10/91 et Directives D-V 2.2).
- les faits et les preuves invoqués à l’appui de ces motifs.
- R76(2) c) CBE :
- Les informations concernant le mandataire, s’il en a été constitué un (R41(2) d) CBE).
Problèmes sur l’identification de l’opposant
Une erreur majeure de l’identification de l’opposant (ex. il est impossible d’identifier du tout l’opposant), il existe une irrégularité (au titre de R77(1) CBE) et l’opposition doit être rejetée comme irrecevable (sauf si l’opposant y a remédié dans le délai d’opposition, Directives D-IV 1.2.2.1 vi)).
Une correction de l’erreur peut néanmoins être demandée au-delà du délai d’opposition au titre de la R139 CBE (T219/86 ou T615/14) : l’opposant devra fournir des éléments de preuve afin d’établir que l’intention originelle était de former l’opposition au nom de l’opposant corrigé.
Une erreur mineure de l’identification de l’opposant (ex. conditions de forme non respectées), il existe une irrégularité (au titre de R77(2) CBE) et celle-ci peut être corrigée après invitation du l’OEB, même après le délai d’opposition, dans un délai imparti Directives D-IV 1.2.2.2 i)).
Ce délai imparti ne bénéficie pas de l’A121 CBE ou A122 CBE.
Problèmes sur l’identification du brevet
S’il n’est vraiment pas possible d’identifier le brevet attaquer (ex. seul le nom du titulaire peut être suffisant si celui-ci ne possède qu’un seul brevet), il existe une irrégularité (au titre de R77(1) CBE) et l’opposition doit être rejetée comme étant irrecevable (sauf si l’opposant y a remédié dans le délai d’opposition, Directives D-IV 1.2.2.1 ii)).
Une erreur mineure de l’identification du brevet, il existe une irrégularité (au titre de R77(2) CBE) et celle-ci peut être corrigée après invitation du l’OEB, même après le délai d’opposition Directives D-IV 1.2.2.2 ii)).
Certaines décisions vont même jusqu’à considérer qu’il n’existe pas d’irrégularité si les informations données permettent de déterminer sans difficulté le brevet mis en cause (ex. le numéro du brevet est bien donné, mais pas son titre T317/86, seul le numéro de publication est communiqué T335/00).
Problème sur l’identification du mandataire
Si le nom et l’adresse professionnelle du mandataire n’est pas indiqué dans les formes de la R41(2) d) CBE, il existe une irrégularité au sens de R77(2) CBE.
Focus sur la mesure
Si l’opposition ne permet pas de savoir dans quelle mesure le brevet est mis en cause (ensemble des revendications, une partie seulement, etc.), il existe une irrégularité (Directives D-IV 1.2.2.1 iii)).
Si une revendication indépendante est mise en cause, les revendications qui en dépendent pourront être examinées (G9/91 et Directives D-V 2.1) sauf si seulement certaines d’entre elles sont attaquées explicitement (T653/02).
De même, si une revendication de procédé est mise en cause, la revendication de produit « product by process » est implicitement mise en cause si elle vise le même procédé (T525/96 et Directives D-V 2.1).
Cette mesure engagera l’opposant pour un éventuel recours, car la décision fera nécessairement droit à ses prétentions pour les revendications non attaquées (A107 CBE).
Focus sur les motifs
Il existe une irrégularité si l’acte d’opposition ne mentionne pas au moins un motif mentionné à l’A100 CBE (Directives D-IV 1.2.2.1 iv)).
Le simple « défaut de brevetabilité » ne suffit pas, à moins qu’il vise implicitement un des motifs (Directives D-IV 1.2.2.1 iv)).
Une fois que nous avons dit, nous n’avons rien dit concernant la motivation détaillé des motifs. En effet, si l’opposant soulève un motif mais ne détaille pas ce dernier (ou insuffisamment), cela ne veut pas dire que l’opposition n’est pas formée (T623/18).
Focus sur les documents de l’état de la technique
Lors de la rédaction d’une opposition, de nombreux documents peuvent être cités, car ce sont les moyens de preuve les plus simples et les plus incontestables.
Néanmoins, il faut faire attention, car un document qui est simplement cité, sans que sa pertinence soit établie, pourra être écarté par la division d’opposition (T32/10).
De plus, il est nécessaire que l’opposant mentionne les parties des documents sur lesquels il se fonde (à moins que les documents soient très brefs, Directives D-IV 1.2.2.1 v) et T222/85).
La preuve du contenu du document (ex. traduction) ou même les documents eux-mêmes peuvent être fournis après le délai d’opposition sur demande de l’OEB, dans un délai imparti (R83 CBE et T94/84) même s’il est conseillé de les produire le plus tôt possible (Directives D-III 6 iii)). S’ils ne sont pas produits dans le délai imparti, les arguments utilisant ces arguments peuvent être écartés par la Division d’opposition (R83 CBE).
Un seul exemplaire des documents est suffisant (Directives D-III 6 iii)).
De plus, les documents cités dans la procédure d’Examen (i.e. par la division d’Examen et par la division de Recherche) ne seront pas inclus de manière automatique dans la procédure d’opposition (T198/88). Seuls les documents suivants pourront être inclus, même s’ils ne sont pas cités par l’acte d’opposition (Directives D-V 2.2) :
- le document cité dans la demande comme étant l’état de la technique le plus proche. Il en va de même des documents pertinents cités dans le fascicule de brevet, qui, s’ils ne constituent pas l’état de la technique le plus proche, n’en sont pas moins essentiels pour la compréhension du problème (T536/88, notamment point 2.1),
- le document de l’état de la technique le plus proche (e.g. le document D1 de la procédure d’Examen).
Si les seuls documents cités sont des droits nationaux antérieurs ou des documents ne faisant pas partie de l’état de la technique, l’opposition doit être rejetée comme irrecevable (R77(1) CBE ensemble R76(2) c) CBE et T550/88).
Focus sur l’usage antérieur ou description orale
Lorsqu’un usage antérieur/description orale est invoqué par l’opposant ou un intervenant, il est nécessaire de fournir des preuves permettant notamment de déterminer (Directives G-IV 7.2 et T328/87) :
- la date de l’usage antérieur/description orale,
- l’objet de l’usage/description orale (i.e. identique ou similaire),
- les circonstances de l’usage/description orale (i.e. accessibilité au public).
Ces preuves ne doivent pas nécessairement être fournies dans le délai d’opposition (T328/87 et T28/93).
Les preuves fournies seront examinées de manière très critique et stricte (Directives E-IV 4.3) et la certitude de la division d’opposition doit aller au-delà de tout doute raisonnable (T97/94).
Focus sur les connaissances de l’homme du métier
Même s’il n’existe pas de définition officielle, les connaissances générales de l’homme du métier (Directives G-VII 3.1) peuvent être notamment :
- des manuels et monographies de base (T171/84),
- des articles référencés ou cités dans des manuels et monographies de base (T206/83),
- des articles parus dans des revues spécialisées (T595/90),
- des informations contenues dans des fascicules de brevet ou des publications scientifiques, si l’invention relève d’un domaine de recherche tellement nouveau qu’il n’existe pas encore d’informations techniques pertinentes à ce sujet dans les manuels (T51/87).
Si l’acte d’opposition mentionne les connaissances générales de l’homme du métier, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve de cette connaissance dans le délai d’opposition (T151/05).
Néanmoins, si le titulaire du brevet conteste cette connaissance, l’opposant devra fournir la preuve de ses allégations, en citant par exemple un document traitant de ce sujet particulier.
Focus sur la langue des preuves
Les preuves peuvent être produites dans toute langue (R3(3) CBE), mais l’OEB peut demander une traduction dans une des langues officielles dans un délai imparti.
Si la traduction n’est pas produite dans les délais, le document peut être écarté par la division d’opposition (R3(3) CBE).
Formation et recevabilité de l’opposition
Compétence
Normalement, c’est la division d’opposition qui est compétente (A19(1) CBE).
Néanmoins, l’agent des formalités est responsable de la vérification des conditions de forme (« Décision du Président de l’Office européen des brevets, en date du 12 décembre 2013, visant à confier à des agents qui ne sont pas des examinateurs certaines tâches incombant aux divisions d’examen ou d’opposition » , JO 2014, A6, point 1, prise en vertu de la R11(3) CBE).
Bien entendu, ce dernier ne vérifie pas les motifs invoqués, les preuves, etc. (i.e. absence ou insuffisance, R76(2) c) CBE), car leur examen nécessite un technicien.
Dans ce contexte, c’est la division d’opposition qui examine ce point (Directives D-IV 1.2.2).
Recevabilité partielle
Il n’existe pas d’irrecevabilité partielle.
Le fait que les conditions énoncées ci-avant soient remplies pour au moins un motif rend l’opposition recevable dans son ensemble (Directives D-IV 1.2.2.1 v))
Irrégularités provoquant une opposition réputée « non-formée »
Cas de « non-formation »
Une opposition est réputée non-formée si (Directives D-IV 1.2.1) :
- La taxe d’opposition est non payée dans le délai d’opposition ou si payée que partiellement (A99(1) CBE, dernière phrase) ;
- Néanmoins, si la part non payée est minime, l’opposition pourra être acceptée (Directives A-X 7.1.1 et A8 RTT) ;
- La personne cherchant à faire opposition n’est pas notifiée de cette irrégularité.
- La signature en bas de l’acte d’opposition est absente (R50(3) CBE). Une notification est alors transmise à la personne cherchant à faire opposition, et lui impartit un délai pour corriger (2 mois en règle générale, Directives E-VIII 1.2).
- L’opposition a été formée par télécopie, une confirmation a été demandée par l’OEB, mais celle-ci n’a jamais été reçue dans le délai imparti (“Décision du Président de l’Office européen des brevets, en date du 20 février 2019, relative au dépôt de demandes de brevet et d’autres pièces par téléfax” , JO 2019, A18) ;
- le pouvoir du mandataire n’a pas été remis dans les délais (R152 CBE, « Décision de la Présidente de l’Office européen des brevets, en date du 12 juillet 2007, relative au dépôt de pouvoirs » , JO 2007, édition spéciale n°3, L.1, voir plus haut pour ce qui concerne les cas de remise de ce pouvoir) ;
- l’acte d’opposition est rédigé dans une langue non officielle, les conditions citées plus haut (i.e. l’opposant a son domicile (ou son siège social) dans un des États contractants, ou s’il est le national d’un de ces États ayant son domicile à l’étranger, et que celui-ci à une langue officielle autre que l’allemand, l’anglais ou le français) n’étant pas remplies (ex. un Chinois dépose un acte d’opposition en chinois) ;
- l’acte d’opposition étant rédigé dans une langue non officielle (et si l’opposant a son domicile (ou son siège social) dans un des États contractants, ou s’il est le national d’un de ces États ayant son domicile à l’étranger, et que celui-ci à une langue officielle autre que l’allemand, l’anglais ou le français), la traduction n’est pas fournie avant l’expiration du délai arrivant à échéance le plus tard parmi les deux délais suivants :
- 1 mois après le dépôt de l’acte d’opposition ;
- 9 mois après la publication de la mention de la délivrance.
Notification
Si l’agent de formalité constate une irrégularité (ce qui n’est pas garanti, Directives D-IV 1.3.3), et s’il est encore possible d’y remédier, celui-ci notifie l’opposant et l’informe du fait qu’il faut les corriger dans les délais indiqués plus haut (à défaut de délai imparti, il est nécessaire de le corriger dans les 9 mois à compter de la publication de la mention de délivrance au BEB) (Directives D-IV 1.3.1).
La seule obligation de notification de l’agent de formalité concerne la signature (Directives D-IV 1.3.3).
Procédure si l’opposition est réputée non formée
L’agent notifie à l’opposant (R112(1) CBE) que l’opposition est réputée ne pas avoir été formée. Il est possible de requérir une décision.
À la fin du délai de 2 mois pour demander cette décision, les parties sont informées qu’il est mis fin à la procédure .
Dans de telles situations, si la taxe d’opposition avait été payée, elle sera remboursée (Directives D-IV 1.4.1).
Les documents soumis sont alors traités comme une observation de tiers et sont accessibles dans le dossier (Directives D-IV 1.4.1).
Irrégularités provoquant une opposition « irrecevable »
Irrecevabilité dès la fin du délai d’opposition
Causes d’irrecevabilité
L’opposition est déclarée irrecevable si (R77(1) CBE) [Groupe 1] :
- Le dépôt de l’acte n’est pas fait par écrit auprès de l’OEB dans le délai de 9 mois (A99(1) CBE) ;
- La désignation du brevet est insuffisante (i.e. impossible d’identifier sans ambiguïté le brevet) ;
- La mesure dans laquelle le brevet est mis en cause est manquante, les motifs d’opposition sont manquants ou les preuves sont inexistantes (R77(1) CBE ensemble R76(2) c) CBE) :
- par exemple, l’opposant n’a pas fourni d’identification du document à l’appui d’une attaque de nouveauté (même si celui-ci est hautement pertinent) ;
- il convient de faire attention aux preuves ici : il n’est pas demandé qu’elles soient convaincantes pour être recevable (T2037/18, ex. un document confidentiel est produit et aucune preuve concernant l’absence de NDA n’est fournie). La force probante de la preuve relève d’une analyse au fond.
- Il est impossible d’identifier l’opposant.
Notification
Si l’agent de formalité constate une irrégularité (ce qui n’est pas garanti, Directives D-IV 1.3.3), et s’il est encore possible d’y remédier, celui-ci notifie l’opposant et l’informe du fait qu’il faut les corriger dans le délai d’opposition (Directives D-IV 1.3.2).
Procédure si l’opposition est rejetée
L’existence d’une irrégularité du [Groupe 1] à la fin du délai d’opposition rendra l’opposition irrecevable (R77(1) CBE) :
- si ces irrégularités ont déjà été notifiées à l’opposant :
- un rejet est prononcé par l’agent des formalités (ou par la division d’opposition si cela concerne les faits et preuves)(Directives D-IV 1.4.2).
- si ces irrégularités n’ont pas été notifiées à l’opposant :
- l’agent des formalités lui notifie et lui donne en général 2 mois pour se prononcer (A113(1) CBE, cela ne signifie pas que l’opposant peut les corriger) et lui indique que l’opposition sera probablement rejetée comme étant irrecevable (Directives D-IV 1.4.2).
- l’opposant alors peut contester l’existence de cette irrégularité ;
- un rejet est prononcé par l’agent des formalités (ou par la division d’opposition si cela concerne les faits et preuves)(Directives D-IV 1.4.2).
La taxe d’opposition n’est pas remboursée.
Le rejet de l’opposition est notifié au titulaire (R77(3) CBE).
Irrecevabilité pouvant être corrigée dans un nouveau délai
Cause d’irrecevabilité
De plus, l’opposition est déclarée également irrecevable si une des conditions de formes autres de celles du [Groupe 1] fait défaut (R77(2) CBE) [Groupe 2] (voir notamment les conditions de formes mentionnées ci-dessus pour R76(2) CBE) :
- l’identification incorrecte de l’opposant (ex. problème de forme de la R41(2) c) CBE, mais il est quand même possible d’identifier l’opposant),
- le défaut de numéro du brevet contre lequel l’opposition est formée (Directives D-IV 1.2.2.2 ii)),
- le défaut de titre de l’invention (Directives D-IV 1.2.2.2 ii)),
- le défaut d’identification du titulaire du brevet (Directives D-IV 1.2.2.2 ii))
- le défaut d’identification du mandataire (nom et adresse, R41(2) d) CBE), s’il en a été constitué un ou s’il doit en être constitué un (A133(2) CBE),
- l’acte d’opposition ne satisfait pas les conditions de formes de la CBE et autres que R77(1) CBE (ex. problème de marge, non dactylographié, etc. R50(2) CBE).
Notification
Si l’agent de formalité constate une irrégularité, celui-ci notifie l’opposant et l’informe du fait qu’il faut les corriger dans un délai imparti sous peine de rejet (R77(2) CBE et Directives D-IV 1.3.2).
Bien entendu, l’opposant peut de lui-même, même sans notification, envoyer ses corrections à l’OEB (Directives D-IV 1.3.3), même après le délai d’opposition.
L’A121 CBE ou l’A122 CBE n’est pas applicable à ces délais impartis.
Procédure si l’opposition est rejetée
À la fin de délai imparti, et s’il n’a pas été remédié à l’irrégularité, l’agent de formalité rejette l’opposition comme irrecevable (R77(2) CBE et Directives D-IV 1.4.2).
La taxe d’opposition n’est pas remboursée.
Le rejet de l’opposition est notifié au titulaire (R77(3) CBE).
Si l’opposition déclarée recevable
Avant que l’opposition soit déclarée recevable ou irrecevable, le titulaire reçoit l’acte d’opposition (R79(1) CBE).
Il peut ainsi contester la recevabilité éventuelle de l’opposition (Directives D-IV 5.5) en précisant les raisons détaillées de l’irrecevabilité invoquée.
Dans ce cas, une décision motivée de recevabilité peut être rendue avec la décision finale.
- Dans ce cas, l’acceptation d’une opposition au début de la procédure d’opposition n’est pas une décision de l’OEB (Directives D-IV 5.1).
- Ainsi, une irrecevabilité future (i.e. durant la procédure d’opposition) est tout à fait possible (T222/85).
Si jamais toutes les oppositions sont contestées, la division d’opposition peut également choisir de rendre une décision de recevabilité, motivée et susceptible de recours, avant toute procédure d’opposition, pour autant que la procédure n’en soit pas indûment retardée (Directives D-IV 5.5).
De plus, l’irrecevabilité peut être décidée au stade du recours (T289/91), quand bien même cette irrecevabilité est soulevée pour la première fois à ce stade (T522/94).
Si l’opposition déclarée irrecevable
Si une opposition est déclarée irrecevable, il peut exister plusieurs situations :
- s’il existe une autre opposition recevable, et que son l’examen aboutit directement à une décision de rejet de la ou des oppositions ou à une décision de révocation du brevet, l’examen de la décision d’irrecevabilité sera rendu en même temps que la décision finale (Directives D-IV 5.5) ;
- sinon, l’irrecevabilité est mise directement sous la forme d’une décision motivée. Un recours est possible contre cette décision.
Si la décision d’irrecevable est rendue :
- avant que la notification visée à la R79(1) CBE soit envoyé au titulaire, le recours sera une procédure ex-parte : ainsi, la personne souhaitant faire opposition est seule partie à la procédure (T295/01 qui est ex-parte).
- après que la notification visée à la R79(1) CBE soit envoyée au titulaire, le recours sera alors une procédure inter partes (i.e. le titulaire et la personne souhaitant faire opposition participeront à la procédure de recours, T1062/99 qui est inter partes).
Si aucune opposition n’est recevable, la division d’opposition doit s’abstenir d’émettre des commentaires sur le fond (T925/91, indirectement de A101(1) CBE).
Quand toutes les oppositions sont définitivement rejetées, la procédure d’opposition prend fin. Les parties en sont informées (Directives D-IV 4)
Notification au titulaire de l’opposition
Les actes d’opposition sont notifiés au titulaire (R79(1) CBE) même si la traduction requise n’a pas été produite (Directives A-VII 5) et sont donc réputés n’avoir pas été produits.
Mise en cause du brevet
La division d’opposition va alors analyser les motifs de l’A100 CBE et demander aux parties de réagir aux notifications de l’OEB / aux observations des autres parties (A101(1) CBE).
L’opposition peut continuer même si :
- le brevet est éteint dans tous les pays : pour ce faire, l’opposant doit présenter une requête dans les 2 mois à compter de la réception de la notification de cette extinction (R84(1) CBE).
- l’opposition est retirée par l’opposant ou l’opposant décède : il peut y avoir alors poursuite d’office de la procédure (R84(2) CBE). Cette situation est, par exemple, envisageable si la procédure entraine sans coût la limitation ou la révocation du brevet.
Mesure / revendications attaquées
Principe
La division d’opposition ne peut examiner que les revendications attaquées par les opposants : un examen d’office des revendications non attaquées n’est pas possible (G9/91, ne ultra petita).
Revendications dépendantes
Néanmoins, on considère que les revendications dépendantes peuvent également être regardées quand bien même elles n’auraient pas été explicitement mentionnées dans le mémoire d’opposition, s’il existe un doute sur leur validité (Directives D-V 2.1 et G9/91).
Ce dernier principe semble être remis en cause si jamais seulement certaines revendications dépendantes sont attaquées : ce comportement semble être interprété par la chambre de recours comme un renoncement futur d’attaquer les autres revendications dépendantes (T653/02).
Combinaison de revendications non-attaquées
Si le titulaire combine des revendications attaquées et non-attaquées, la division d’opposition ne pourra pas se prononcer sur la validité des revendications ainsi modifiées et ne pourra que maintenir le brevet sous cette forme (T364/18).
Product-by-process
De même, on considère également qu’une revendication « product-by-process » se référant au procédé d’une revendication attaquée peut également être attaquée, s’il existe un doute sur sa validité (T525/96).
Motifs soulevés
Motifs possibles
Les motifs possibles pour une opposition sont exposés à l’A100 CBE :
- l’objet du brevet n’est pas (A100 a) CBE) :
- nouveau (A52(1) CBE, A54 CBE et A55 CBE),
- inventif (A52(1) CBE, A56 CBE),
- ne présente pas de caractère industriel (A52(1) CBE, A57 CBE), ,
- n’est pas considéré comme brevetable (A52(1) CBE à A52(3) CBE),
- est exclu de la brevetabilité par une disposition spécifique (ex. méthode thérapeutique, objet contraire aux bonnes mœurs, etc.) (A53 CBE).
- le brevet n’expose pas l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter (A100 b) CBE).
- ce motif couvre en réalité l’insuffisance de description de l’A83 CBE.
- il convient de regarder le contenu du fascicule de brevet pour effectuer cette évaluation (Directives D-V 4) même s’il peut être utilisé le texte tel que déposé pour remédier à cette insuffisance de description.
- l’objet du brevet européen s’étend au‑delà du contenu de la demande telle qu’elle a été déposée (A100 c) CBE).
- ce motif couvre en réalité
- l’A123(2) CBE ou,
- l’A76(1) CBE si le brevet a été délivré sur la base d’une demande divisionnaire, ou
- l’A61(2) CBE ensemble A76(1) CBE si le brevet a été délivré sur la base d’une nouvelle demande déposée dans le cadre d’une invention antérieurement déposée par une personne non habilitée en vertu de l’A61(1) CBE.
- ce motif couvre en réalité
Motifs distincts
Les motifs constituent chacun un fondement juridique distinct (Directives D-III 5).
En particulier, l’A100 a) CBE se décompose en plusieurs motifs (G1/95) : par exemple, invoquer seulement le défaut de nouveauté et d’activité inventive ne permet pas de valablement se prévaloir de l’invocation des autres motifs de cet alinéa (ex. l’exclusion de la brevetabilité).
Motifs exclus
Notamment, ne peuvent pas servir comme motif d’opposition :
- la clarté ou la concision (A84 CBE, même si cet article peut être invoquée sur les revendications modifiées en cours d’opposition) ;
- le manque d’unité d’invention (A82 CBE) ;
- l’existence de droits nationaux antérieurs (A139 CBE, même si des modifications liées à ceux-ci sont possibles) ;
- le droit au brevet (A61 CBE) ;
- la forme de la description, des revendications, ou des dessins (respectivement R42 CBE, R43 CBE et R46 CBE) ;
- la désignation incorrecte de l’inventeur (R19 CBE) ;
- la seule validité de la priorité (A87 CBE et A88 CBE) ;
- la seule non-modification de la date de dépôt suite à la fourniture tardive de pièces manquantes (R56(3) CBE) ;
- etc.
Motifs vagues et insuffisamment détaillés
Ces motifs doivent être détaillés dans le mémoire d’opposition (R76(1) CBE) : une simple attaque de type « le brevet est insuffisamment décrit pour que l’homme du métier puisse l’exécuter » sera irrecevable.
Présentation de plusieurs attaques possibles relatives à l’activité inventive
Il peut arriver que les opposants présentent de multiples attaques d’activité inventive en utilisant chaque document cité comme document de l’état de la technique le plus proche.
En pratique, après avoir déterminé le « véritable » document de l’état de la technique le plus proche, l’OEB ne discutera que les attaques partant de ce document.
Le fait de refuser de discuter des autres attaques n’est pas une violation du droit d’être entendu, car l’approche problème-solution est correctement appliquée (R13/13).
Motifs soulevés d’office par la division d’opposition
La division d’opposition n’est :
- ni tenu d’examiner tous les motifs d’opposition possibles (G10/91) ;
- ni tenu de se limiter aux seuls moyens soulevés par les parties : la division d’opposition peut, s’ils semblent prima facie pertinents, en soulever d’office (A114(1) CBE et R81(1) CBE).
Ces motifs soulevés d’office peuvent découler (Directives D-V 2.2) :
- du rapport de recherche,
- de la procédure d’examen,
- des connaissances personnelles de l’examinateur,
- d’observations présentées par des tiers (A115 CBE).
- si les observations de tiers peuvent être normalement anonymes (« Décision du Président de l’Office européen des brevets, en date du 10 mai 2011, relative au dépôt d’observations par des tiers au titre de l’article 115 CBE via un formulaire électronique » , JO 2011, 418, article 2 et « Communiqué de l’Office européen des brevets, en date du 5 juillet 2017, relatif au dépôt et au traitement d’observations présentées par des tiers au titre de l’article 115 CBE » , JO 2017, A86),
- cela ne semble pas être le cas dans les procédures ex-partes, comme l’opposition (T146/07), car cet anonymat pourrait constituer un contournement abusif de la procédure d’opposition (ex. cela pourrait permettre à un opposant d’introduire un document tardif, mais pertinent). Ainsi, il serait nécessaire de signer ces observations conformément aux R50(3) CBE et R86 CBE afin de permettre à l’OEB que le tiers n’est pas une partie à la procédure.
De nouveaux motifs d’opposition ne peuvent être pris en considération au stade du recours qu’avec l’accord du titulaire (G10/91).
Charge de la preuve
D’une manière générale, chaque partie supporte la charge de la preuve des faits qu’elle allègue. De plus, si une partie apporte une preuve convaincante, la charge de la preuve sera alors renvoyée vers l’autre partie (T270/90).
Il peut arriver qu’un opposant apporte un élément de preuve, ou énonce un fait pertinent (Directives D-V 2.2) :
- si une allégation semble plausible et si elle n’est pas contestée, elle peut être prise en considération sans autre preuve ;
- si une allégation est contestée ou n’est pas plausible, la partie qui l’allègue doit le prouver.
D’une manière générale, la division doit prendre sa décision en déterminant ce qui est le plus probable (balance des probabilités, T270/90, Directives E-IV 4.3)
Néanmoins, une preuve renforcée est nécessaire si :
- l’opposant invoque :
- le titulaire soutient que :
- l’invention peut être réalisée, mais la division d’opposition en doute (démonstration du caractère plausible, T792/00 et Directives F-III 4) ;
- les modifications apportées selon la R139 CBE ne sont pas contraire à A123(2) CBE (T383/88) ;
- l’invention procure certains avantages, mais la division d’opposition en doute (T97/00).
Notifications, observations et modifications du brevet
Notification de l’acte d’opposition des opposants
Principe
L’agent des formalités notifie l’acte d’opposition :
- au titulaire (R79(1) CBE),
- aux autres opposants s’il y en a plusieurs (R79(2) CBE).
Observations et modifications possibles de la part du titulaire
Lors de la notification de l’acte d’opposition au titulaire, celui-ci est invité à présenter ses observations et modifications dans un délai imparti (A101(1) CBE et R79(1) CBE) : le plus souvent 4 mois (Directives D-IV 5.2).
Cette notification est faite par l’agent des formalités (R11(3) CBE) à la fin du délai d’opposition ou du délai imparti pour corriger les irrégularités mineures de la R77(2) CBE (« La procédure d’opposition à l’OEB » , JO 2001, 148, §2.2.1 et Directives D-IV 5.2), que la question de la recevabilité ait été définitivement tranchée ou non.
Il n’existe pas de sanction si aucune réponse n’est apportée dans les délais (G1/90).
Ainsi, ni l’A121 CBE ni l’A122 CBE n’est applicable au délai imparti, car aucune perte de droit n’est encourue.
Néanmoins, la division d’opposition peut ne pas tenir compte des observations fournies trop tardivement (A114(2) CBE, Directives E-VIII 1.8).
Les modifications éventuellement présentées servent de base à l’opposition (en application A113(2) CBE, Directives D-VI 2.1).
Notifications aux autres opposants
Ces notifications (R79(2) CBE) n’invitent pas les opposants à présenter d’observations et ne donnent aucun délai imparti (Directives D-IV 5.2).
Notification de l’acte d’opposition des intervenants
Il n’y a aucune obligation ici de la part de l’OEB (R79(4) CBE). À sa discrétion :
- la division d’opposition ne fait rien, ou
- la division d’opposition fait comme si l’acte d’opposition avait été présenté par un vrai opposant (cf. ci-dessus).
Notification des observations/modifications du titulaire
Les observations/modifications du titulaire sont notifiées aux opposants (R79(3) CBE).
Les opposants peuvent être invités à répondre dans un délai imparti (si la division d’opposition le trouve pertinent et le demande, R79(3) CBE, ex. des modifications sont produites sans qu’une procédure orale soit requise, « La procédure d’opposition à l’OEB » , JO 2001, 148 §2.2.2) : le plus souvent, ce délai est de 4 mois (Directives D-IV 5.4).
Il n’existe pas de sanction si aucune réponse n’est apportée dans les délais (G1/90).
Ainsi, ni l’A121 CBE ni l’A122 CBE n’est applicable au délai imparti, car aucune perte de droit n’est encourue.
Néanmoins, la division d’opposition peut ne pas tenir compte des observations fournies trop tardivement (A114(2) CBE, Directives E-VIII 1.8).
Autres notifications adressées parties
D’une manière générale, les parties sont invitées aussi souvent que nécessaire à présenter leurs observations sur les notifications qui leur sont adressées (A101(1) CBE) dans un délai imparti (R81(2) CBE, souvent 4 mois, Directives D-IV 5.4).
L’éventuelle réponse à une notification est, à son tour, notifiée à toutes les autres parties (R81(2) CBE).
Les notifications adressées au titulaire selon A101(1) CBE contiennent toujours une invitation à modifier sa demande (Directives D-VI 4.2).
Il n’existe pas de sanction si aucune réponse n’est apportée dans les délais (G1/90). Ainsi, ni l’A121 CBE ni l’A122 CBE n’est applicable au délai imparti, car aucune perte de droit n’est encourue.
Néanmoins, la division d’opposition peut ne pas tenir compte des observations fournies trop tardivement (A114(2) CBE, Directives E-VIII 1.8).
Entrevues et entretiens téléphoniques
Les entrevues ou conversations téléphoniques informelles ne sont pas admises en opposition en vertu de la R81(2) CBE, car toutes les parties ne peuvent pas y participer (Directives E-III 1) à moins qu’elles ne concernent que des questions n’affectant pas toutes les parties.
Avis de la division d’opposition
Dans les notifications transmises aux parties, la division d’opposition peut donner son avis sur la brevetabilité et notamment elle peut adresser un avis motivé en indiquant les motifs qui s’opposeraient au maintien du brevet européen (R81(3) CBE).
La motivation n’est pas nécessaire pour les questions de forme ou pour les propositions allant de soi (Directives D-VI 4.1).
La division d’opposition peut effectuer une recherche de nouveaux documents dans certains cas exceptionnels (ex. mise en avant d’une caractéristique qui était tout à fait secondaire précédemment, Directives D-VI 5).
Admissibilité générale des modifications
Principe
Une modification n’est admissible que si elle est inspirée par un motif d’opposition (R80 CBE) :
- invoqué ;
- ou simplement possible.
Ainsi, un toilettage des revendications ou une modification des revendications dépendantes (T406/86) n’est pas possible à moins que ce toilettage soit nécessaire et approprié du fait d’une modification admissible (Directives H-II 3.2).
Il n’est pas possible d’ajouter des revendications (T295/87, T1764/14) sauf si cet ajout est indispensable à la défense du brevet (ex. une revendication dépendante présente deux modes de réalisations différents et doit être séparée pour devenir deux revendications indépendantes (T233/97 et Directives H-II 3.1).
Respect général des dispositions de fonds de la CBE
Bien entendu, les modifications doivent respecter les dispositions de fond de la CBE (nouveauté, activité inventive, non-ajout de matière, etc.) (A101(3) a) CBE).
Pour autant, cette exigence ne doit pas pouvoir permettre de soumettre le brevet à un réexamen complet, que ce soit au titre de la clarté (voir ci-dessous) ou des autres exigences de la CBE (G3/14) : en particulier, il n’est pas possible de soulever une objection au titre de l’A123(2) CBE qui n’a jamais été présentée précédemment alors que le titulaire combine simplement deux revendications (T128/13).
Visant à éviter des droits nationaux
Il est possible de présenter des modifications visant à éviter des problèmes avec des droits nationaux antérieurs (A123(1) CBE ensemble R80 CBE ensemble A138 CBE ensemble A139(2) CBE).
Requêtes subsidiaires
La présentation de requêtes subsidiaires est possible (Directives D-VI 7.2.2), mais cela doit rester raisonnable (T907/91).
Pour ce faire, le titulaire devra indiquer l’ordre de préférence de ses requêtes.
La division d’opposition examine dans l’ordre ces jeux de revendications (principal puis subsidiaires, Directives D-VI 7.2.2) et si un des jeux semble brevetable, la division d’opposition l’indique (T234/86) et en précise les raisons pour lesquelles les jeux précédents n’ont pas été considérés comme brevetables (Directives H-III 3.4.1).
Clarté
Les modifications apportées en cours d’opposition doivent être claires (A101(3) CBE ensemble A84 CBE) même si cela n’est pas un motif d’opposition (T301/87).
Néanmoins, il n’est pas possible d’avoir une interprétation extensive de l’A101(3) CBE : les objections de clarté doivent avoir leur origine dans les modifications apportées (G3/14).
Typiquement, il n’est pas possible d’examiner la clarté des revendications si celles-ci résultent d’une incorporation de revendications dépendantes entières dans une revendication indépendante ou d’une alternative entière contenue dans une revendication dépendante dans une revendication indépendante (G3/14 ou T260/13).
Dans les autres cas (ex. la revendication dépendante contient plusieurs caractéristiques liées entre elles, et l’une de ces caractéristiques est incorporée dans la revendication indépendante), cela semble possible, si le défaut de clarté allégué est liée à la modification (G3/14 ou T1977/13).
Non-unité
Il n’est pas possible d’attaquer les modifications pour des problèmes de non-unité (G1/91).
En effet, bien que l’unité d’invention soit une condition de fond au sens de la CBE, elle est en réalité qu’une simple disposition d’ordre administratif et son principal objectif est d’éviter que les déposants abusent de la procédure et ne paye qu’un nombre très faible de taxes à l’OEB (taxes de recherches, de dépôt, d’Examen, … ) (Directives D-V 2.2).
Plusieurs revendications indépendantes du même type
Les dispositions de la R43(2) CBE ne sont également pas applicables aux modifications (analogie de la non-unité, T263/05).
Extension de la portée du brevet
Cette interdiction est fondée sur l’A123(3) CBE.
Pour savoir si une extension de la portée a été introduite, il est nécessaire de se demander si un objet était « non-contrefacteur » dans le jeu initial et était subitement devenu « contrefacteur » dans le jeu modifié.
Une fois ce grand principe exposé, il existe certains cas plus complexes. Ainsi n’a pas été jugée étendre la portée d’un brevet :
- une réintroduction au cours de la procédure d’opposition de définitions supprimées pendant l’Examen (T1481/05) ;
- le changement de catégorie d’une revendication de « produit » à « utilisation » (G2/88).
Procédure d’opposition accélérée
Action en contrefaçon
Si une action en contrefaçon a été engagée devant une juridiction nationale, il est possible pour une partie de présenter une requête en traitement accéléré (Communiqué de l’OEB en date du 17 mars 2008, JO 2008, 221, point 1).
Cette requête peut être déposée à tout moment.
Elle doit être formée par écrit et être motivée.
L’OEB fait alors son possible pour effectuer le prochain acte de procédure (le délai expirant le plus tard étant retenu) (« Communiqué de l’Office européen des brevets, en date du 17 mars 2008, relatif au traitement accéléré des oppositions lorsqu’une action en contrefaçon a été engagée » , JO 2008, 221, point 1) :
- dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la requête ;
- si la requête a été présentée dans le délai opposition, dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la réponse du titulaire à l’acte d’opposition.
Cette accélération sera également effectuée si un tribunal ou une administration compétente notifie l’OEB qu’une action en contrefaçon est en instance (« Communiqué de l’Office européen des brevets, en date du 17 mars 2008, relatif au traitement accéléré des oppositions lorsqu’une action en contrefaçon a été engagée » , JO 2008, 221, point 2).
La coopération des parties est essentielle (« Communiqué de l’Office européen des brevets, en date du 17 mars 2008, relatif au traitement accéléré des oppositions lorsqu’une action en contrefaçon a été engagée » , JO 2008, 221, point 3).
Autres cas
L’OEB accélèrera également la procédure si (Directives D-VII 1.2) :
- la durée de la procédure d’examen a nettement excédé la durée moyenne ;
- la durée de la procédure d’opposition a nettement excédé la durée moyenne ;
- d’autres affaires (ex. divisionnaires) dépendent du résultat de l’opposition ;
- la phase suivante de l’examen n’exige qu’un temps relativement court.
Caractère tardif
Principe
D’une manière générale, et surtout dans une procédure d’opposition, le contradictoire est souhaitable. Dès lors, le caractère tardif d’une information est souvent vu de manière « suspecte » et son admissibilité dans le cadre de l’opposition fait souvent débat.
Motifs tardifs
Principe
Un motif non présent dans l’acte d’opposition est un nouveau motif (G1/95, 5.3) : « un motif d’opposition qui n’a pas été soulevé et développé dans l’acte d’opposition, ni introduit dans la procédure par la division d’opposition agissant en application de l’article 114(1) CBE«
À titre d’illustration, si l’acte d’opposition ne mentionne qu’un défaut de nouveauté, l’absence de caractère industrielle est un nouveau motif si celui-ci est invoqué plus tard dans la procédure.
Acceptation d’un nouveau motif
Si un nouveau motif est présenté (même tardivement), la division d’opposition doit l’analyser (T736/95) et l’accepter s’il semble prima facie pertinent au regard de la brevetabilité du brevet (Directives D-V 2.2).
De nouveaux motifs d’opposition ne peuvent être pris en considération au stade du recours qu’avec l’accord du titulaire (G10/91) sauf :
- s’ils ont été examinés d’office par la division d’opposition (T309/92).
- s’ils ont été présentés au stade de l’opposition et refusés (A114(2) CBE) à tort (T986/93).
- Il convient également de noter une décision contraire (T1286/14) qui précise que la chambre de recours ne peut que vérifier si la division d’opposition a examiné la pertinence prima facie du nouveau motif .
Exceptions
Néanmoins, si le défaut d’activité inventive avec le document D1 comme état de la technique le plus proche, il est possible, bien que cela n’a pas été soulevé, d’attaquer le brevet pour défaut de nouveauté a été soulevé par rapport à D1 (G7/95).
Par ailleurs, si une attaque de nouveauté est réalisée en même temps qu’une attaque d’activité inventive, il est normal que le défaut d’activité inventive ne soit pas motivé (car cela revient souvent à se contredire). Dans ce cas, l’absence d’activité inventive peut être examinée sans que cela soit considéré comme un nouveau motif (T131/01).
Faits (ex. publications) et preuves tardifs
Au stade de l’opposition
De nouveaux faits et preuves peuvent être produits jusqu’à la date remise de la décision au service de courrier interne (si procédure écrite) ou jusqu’à ce que la décision soit prononcée (procédure orale) (Directives E-VI 2).
Les documents cités dans la procédure d’Examen ou dans la demande ne font pas partie automatiquement de la procédure d’opposition (T198/88) à l’exception du document de l’état de la technique le plus proche identifié par la division d’Examen permettant de comprendre le problème technique exposé dans la description (T536/88).
Ces faits et preuves ne peuvent être admis qu’à titre exceptionnel, que s’il existe de prime abord de bonnes raisons de penser que ces moyens feraient obstacle au maintien du brevet (T1002/92 et G9/91).
De plus, les moyens produits tardivement peuvent être acceptées (Directives E-VI 2.1) même s’ils ne sont pas prima facie pertinent :
- si le demandeur combine deux revendications, mais que le brevet comporte un grand nombre de revendications, l’opposant n’ayant pas pu prévoir toutes les combinaisons possibles ;
- si le demandeur combine une revendication avec le contenu de la description.
Il n’est pas nécessaire à la division d’opposition de motiver en détail la « non-pertinence » des antériorités refusées si celles-ci sont produites tardivement (T156/84) mais une explication rapide est tout de même nécessaire (T1278/14).
Néanmoins, si un document est introduit par le titulaire pour supporter son explication, l’opposant peut tout à fait s’en servir (T2734/16).
Au stade du recours sur opposition
De même, l’admission de nouveaux moyens est soumise à l’appréciation de la chambre : ils ne sont admissibles que s’ils semblent de prime abord éminemment pertinents.
Les arguments du titulaire qui s’opposera probablement à cette admission doivent être pris en compte (T1002/92 et G9/91).
Pour autant, il faut que les nouveaux moyens ne doivent pas sortir des limites (identiques ou très semblable) du litige définies en opposition (A114(2) CBE et A111(1) CBE).
Si le document est éminemment pertinent, la chambre de recours devrait normalement renvoyer en première instance afin de ne pas priver le titulaire d’un moyen de recours, sauf si ce renvoi semble injustifié (T258/84 et T273/84).
Refus d’un document admis dans la procédure
Même si un document est admis de manière erroné, il n’existe aucune base légale pour revenir sur la décision d’admission (T617/16).
Arguments tardifs
Les nouveaux arguments présentés à l’appui de faits exposés précédemment doivent toujours être pris en considération (T131/01, T1914/12, Directives E-VI 2) car l’article A114(2) CBE ne permet pas de l’écarter.
Un nouvel argument n’est pas un nouveau motif (ex. introduction d’une attaque au titre de A100 c) CBE alors que ce motif n’était pas présent dans l’acte d’opposition, T1875/15), mais peut être un nouvel angle d’attaque (T395/00).
Requêtes tardives
Une requête (ex. nouveau jeu de revendications modifiées) peut être considérée comme tardive si, par exemple, elle est présentée pendant la procédure orale devant la division d’opposition alors que le titulaire avait déjà eu de nombreuses occasions de présenter de nouvelles requêtes.
Pour autant, le pouvoir discrétionnaire de la division d’opposition n’est pas sans limite.
En effet, si à l’évidence, les requêtes sont convergentes et essayent de surmonter de bonne foi les objections de la division ou de l’opposant, sans être considéré comme une tentative de prolonger indûment la procédure, alors la requête doit être acceptée (T368/16).
Cette requête peut, par exemple, être motivée par un nouveau document ou un nouvel argumentaire de l’opposant.
De plus, de nouvelles requêtes soumises deux semaines avant la procédure orale en réponse à un avis défavorable de la division d’opposition ne semble pas abusif et laisse le temps à l’opposant de réagir : ces requêtes doivent donc être admises (T43/16) et la division d’opposition ne peut pas, à sa dicrétion, choisir les nouvelles requêtes qu’elles acceptera ou non (T350/17).
En tout état de cause, il est nécessaire que ces modifications tardives ne soient pas, prima facie, non admissibles (ex. violation de l’A123(2) CBE évidente, Directives E-VI 2.1).
Il faut noter qu’il n’est pas nécessairemnt possible de présenter des requêtes convergentes (T222/16, notamment pour répondre aux nouvelles objections A123(3) CBE). Ainsi le critère d’appréciation n’est- pas la convergence mais l’appréciation de la capacité du titulaire de présenter la requête plus tôt.
Décision de la division d’opposition
La décision de la division d’Examen ne peut se fonder que sur un texte proposé ou validé par le demandeur (A113(2) CBE).
Trois types de décision peuvent être pris en l’espèce.
Révocation
La révocation prend effet rétroactivement dès l’origine (i.e. ex tunc, A68 CBE).
Pour des motifs de fond
La division d’opposition peut révoquer :
- le brevet tel que délivré (A101(2) CBE) ;
- le brevet tel que modifié par le titulaire (A101(3) b) CBE).
Une notification est alors envoyée au titulaire (R81(3) CBE, dernière phrase) et détaille les raisons de cette révocation. Une copie est envoyée aux opposants (R81(2) CBE).
À l’initiative du titulaire
Dans l’hypothèse où la révocation est demandée par le titulaire lui-même (Directives D-VIII 1.2.5 et T237/86), aucun examen au fond n’est réalisé.
Si le titulaire présente une requête d’abandon du brevet ou de renonciation au brevet, cette requête est interprétée comme une demande de révocation (Directives D-VIII 1.2.5).
S’il existe une ambiguïté possible, le demandeur est invité à préciser.
La procédure d’opposition est alors close.
Pour d’autres motifs
La révocation peut également survenir si :
- le titulaire désapprouve le texte modifié/délivré, mais ne propose pas de nouvelles modifications de façon pertinente (T73/84 et Directives D-VI 7.2.1) ;
- le titulaire ne paye pas la taxe de publication dans les délais ou ne produit pas les revendications traduites (R82(3) CBE et Directives D-VIII 1.2.4).
Rejet de l’opposition
La division d’opposition peut décider de rejeter l’opposition si aucun motif valable ne lui apparait (A101(2) CBE).
La décision de rejet de l’opposition est susceptible de recours par l’opposant (A106(1) CBE).
Maintien du brevet sous forme modifiée
La division d’opposition peut également, si le titulaire est d’accord (A113(2) CBE) et si les opposants ont pu présenter leurs arguments (A113(1) CBE), maintenir le brevet sous une forme modifiée (A101(3) a) CBE).
Proposition de maintien sous une forme modifiée
Si l’OEB souhaite apporter des « modifications rédactionnelles indispensables » , la division d’opposition peut notifier aux parties un texte modifié dans lequel elle envisage de maintenir le brevet et les invite à présenter leurs observations dans un délai de 2 mois si elles ne sont pas d’accord avec ce texte (R82(1) CBE).
Si dans le délai de 2 mois, le titulaire (respectivement l’opposant) s’oppose à ce texte et si des modifications pertinentes sont apportées (des arguments pertinents sont soulevés), l’examen peut être repris (Directives D-VI 7.2.1).
Cette notification selon la R82(1) CBE n’est pas indispensable (Directives D-VI 7.2.1, « Communiqué de l’Office européen des brevets en date du 14 juillet 1989, concernant l’application de la règle 58(4) CBE au cours de la procédure d’opposition » , JO 1989, 393, point 1.2) si :
- le titulaire a déjà donné son accord, et
- l’opposant a eu l’occasion de s’exprimer sur ces modifications.
Notons que si le titulaire ne se prononce pas sur ces modifications lors de la procédure orale ou déclare ne pas vouloir se prononcer ne signifie aucunement qu’il aurait donné un accord implicite (T861/16).
Décision intermédiaire
Si la division d’opposition estime que le brevet peut être maintenu sur la base du texte accepté par le titulaire et si l’opposant a eu suffisamment l’occasion de se prononcer sur ce texte, la division d’opposition rend une décision intermédiaire (Directives D-VI 7.2.2, « Communiqué de l’Office européen des brevets en date du 14 juillet 1989, concernant l’application de la règle 58(4) CBE au cours de la procédure d’opposition » , JO 1989, 393 point 2.1) susceptible de recours pour entériner le texte.
L’accord du titulaire sur le texte peut être exprimé :
- expressément par le titulaire ;
- du fait que c’est le titulaire qui a proposé le texte ;
- de la non-réponse du titulaire à la proposition de l’OEB.
Un recours indépendant est prévu au titre de l’A106(2) CBE (même si l’opposant a donné son accord sur la version proposée ou qu’il ne s’est pas prononcé dessus, « Communiqué de l’Office européen des brevets en date du 14 juillet 1989, concernant l’application de la règle 58(4) CBE au cours de la procédure d’opposition » , JO 1989, 393, point 2.2)
Cette décision intermédiaire peut également être fondée sur une requête subsidiaire présentée par le titulaire (Directives D-VI 7.2.2).
Dans ce cas, la décision doit indiquer pour quels motifs la version de la requête principale (et de toute requête subsidiaire de rang précédent) ne remplit pas les conditions posées par la CBE (T234/86).
Dans le cas contraire, un vice substantiel de procédure pourrait être soulevé. Le titulaire peut alors fait recours sur cette décision en contestant l’irrecevabilité des requêtes précédentes.
La décision intermédiaire a pour but d’éviter au titulaire des frais inutiles de traduction qu’entraînerait une modification éventuelle du texte en cas de recours.
Si aucun recours n’est formé sous 2 mois (A108 CBE), la décision intermédiaire devient définitive (Directives D-VI 7.2.2).
Fourniture des traductions et paiements des taxes
Une fois la décision devenue définitive (T89/90 et Directives D-VI 7.2.3), le titulaire est invité (R82(2) CBE), sous 3 mois :
- à fournir les différentes traductions des revendications dans les langues officielles de l’OEB
- cela vaut pour chaque jeu de revendication s’il y en a plusieurs (Directives D-VI 7.2.3),
- à payer les taxes d’impression du nouveau livret (A2(1).8 RRT) : [montant_epo default= »70 € » name= »A2(1).8 RRT »].
Aucune taxe concernant le nombre de revendications ne doit être payée.
Si au moins une des deux actions n’est pas réalisée par le titulaire, la division d’opposition notifie le titulaire et cette notification fait courir un nouveau délai de 2 mois (R82(3) CBE).
Si le titulaire ne fait toujours rien malgré cette dernière notification ou si la taxe de retard n’est pas payée (A2(1).9 RRT : [montant_epo default= »115 € » name= »A2(1).9 RRT »]), le brevet est révoqué (G1/90) par une nouvelle décision de la division d’opposition.
L’A122 CBE est applicable aux deux délais (G1/90 et Directives E-VIII 3.1.1).
Décision finale
Si le titulaire effectue ces deux actions dans les délais, la publication sera réalisée dès que possible et une décision finale est rendue indiquant que le brevet est maintenu sous forme modifié (en précisant le texte sur la base duquel elle a été prise, R82(4) CBE).
Cette décision finale bien sûr est susceptible de recours, mais seulement en ce qui concerne des points non constatés dans la décision intermédiaire. En effet, si la décision intermédiaire ne fait l’objet d’aucun recours, la constatation qu’elle contient devient définitive (Directives D-VI 7.2.2).
La procédure d’opposition est close lorsque la décision définitive est rendue (quel que soit le moment où elle passe en force de chose jugée, G4/91).
Publication du nouveau fascicule de brevet
L’OEB publie, dès que possible (si possible avec la mention de la décision de la R82(4) CBE), le nouveau fascicule de brevet (A103 CBE).
Le nouveau fascicule comprend (R87 CBE) :
- la description,
- les revendications,
- les dessins.
Un nouveau certificat de brevet est délivré (R87 CBE ensemble R74 CBE) dans les mêmes conditions que pour la délivrance.
Résumé
Car ce n’est jamais aussi clair qu’avec un schéma…
Répartition des frais
Parties à la procédure
En principe, chaque partie paye les frais qu’elle a engagés (A104(1) CBE).
Les parties sont le titulaire, les opposants ou les intervenants (le cas échéant).
Ce principe peut néanmoins être modéré pour des raisons d’équité (dans cette hypothèse, seules les dépenses nécessaires à une défense adéquate sont prises en compte R88(1) CBE et Directives D-IX 1.3) : la décision de la division d’opposition contiendra alors des dispositions relatives à la répartition des frais.
À titre d’illustration, un opposant a dû payer l’intégralité des frais et honoraires du mandataire du titulaire, car l’opposant n’était pas venu à la procédure orale et n’avait même pas répondu aux notifications. L’opposant était quant à lui venu du Japon pour la procédure orale de l’opposition (T930/92).
Les tiers à la procédure
Concernant les tiers (les témoins, les experts, etc.), leurs frais leur sont remboursés (R122(2) CBE), qu’ils aient été cités par l’OEB ou même par une partie à la procédure.
Ces frais sont répartis entre les parties en fonction de l’équité (Directives D-IX 1.3).
Répartition et fixation des frais
Cas possibles
Une répartition des frais est envisageable en cas dans cas où l’équité l’exige (modification de la formulation de l’A104 CBE, A104 CBE73).
Comportements pouvant entrainer une répartition
Une répartition des frais est possible lorsque les comportements sont incompatibles avec la vigilance dont il convient de faire preuve lorsqu’il s’agit de sauvegarder des droits (Directives D-IX 1.4).
C’est notamment le cas (Directives D-IX 1.4) :
- en cas de négligence ;
- en cas de mauvaise foi ;
- en cas d’emploi de moyens et d’arguments inappropriés ;
- en cas de prolongation de délai (A16(1) RPCR) ;
- en cas d’acte ou d’omission ayant nui à la procédure orale ou ayant contribué à la retarder (A16(1) RPCR) ;
- en cas de renonciation au brevet que peu de temps avant la procédure orale alors que la révocation du brevet était évident depuis longtemps du fait d’une pièce produite ;
- en cas de citation tardive d’un état de la technique dont il est prouvé qu’il en avait connaissance antérieurement, la procédure orale s’en trouvant retardée (T117/86) ;
- en cas d’invocation de faits ou preuves pertinents tardivement et sans motif valable (T867/92) ;
- en cas de non-comparution à la procédure orale sans prévenir l’OEB en avance (T930/92 et T212/07) ou seulement un jour en avance (T937/04) ;
- à l’inverse, certaines chambre de recours considère que la participation à une procédure orale n’est pas obligatoire pour les parties : si une annonce tardive d’une absence prévue à la procédure orale peut constituer une « action fautive de nature irresponsable voire malveillante » , il serait nécessaire de requérir de solides preuves à l’appui d’une telle allégation (T1079/07 ou T383/13 ou T1699/15).
- en cas d’abus de procédure (A16(1) RPCR).
Ce n’est pas le cas :
- si le titulaire a, par malice, omis de cité un document de l’art antérieur pertinent. En effet, la répartition des frais n’est pas une sanction/amende mais une compensation de frais (T66/18).
Frais à prendre en compte
Les frais à prendre en compte sont (R88(1) CBE) « les dépenses nécessaires pour assurer une défense adéquate des droits en cause » .
Cela inclut notamment (Directives D-IX 1.3) :
- les frais exposés par des témoins ;
- les frais d’expertises ;
- la rémunération des représentants des parties (en cas de procédure, en cas de retard imputable à des documents tardifs, etc.) ;
- les frais de déplacement ;
- les frais du titulaire engagés pour fournir des preuves en riposte à des documents très tardifs (T416/87) ;
- les frais exposés afin de donner les instructions au mandataire agréé (T930/92) ;
- etc.
Les dépenses superflues ou non pertinentes ne doivent pas être prises en compte (Directives D-IX 1.3).
Procédure
1ère étape : décision de répartition des frais
Dans la décision de l’opposition, la division d’opposition peut prescrire (éventuellement d’office, Directives D-IX 1.2) la répartition des frais sans fixer, à cet instant, les montants (A104(1) CBE et R88(1) CBE).
À défaut, chaque partie supporte ses propres frais (A104(1) CBE).
Une requête peut ainsi être présentée par une partie avant la décision finale afin de demander une répartition particulière (en la motivant de préférence) (Directives D-IX 1.2). Dans cette hypothèse, la division d’opposition doit nécessairement se prononcer sur ce point dans les motifs de sa décision (Directives D-IX 1.2).
Recours sur la décision de répartition des frais
Le recours contre cette décision est ouvert pendant 2 mois à compter de la signification de la décision (A106(1) CBE et A108 CBE).
La décision de répartition des frais n’est pas susceptible de recours si c’est le seul objet du recours (A106(3) CBE ensemble R97(1) CBE).
Si l’autre partie forme un recours contre la décision (mais pas particulièrement contre la répartition de frais), cela ne signifie pas que la répartition des frais peut être rediscutée (T1237/05).
2e étape : fixation des frais
Pour obtenir une fixation des frais, il est nécessaire de produire une requête à cette fin en y annexant les différents justificatifs (R88(2) CBE).
L’agent des formalités (par délégation de la division d’opposition, R11(3) CBE et « Décision du Président de l’Office européen des brevets, en date du 12 décembre 2013, visant à confier à des agents qui ne sont pas des examinateurs certaines tâches incombant aux divisions d’examen ou d’opposition » , JO 2014, A6) fixe alors les frais et le notifie aux parties (Directives D-IX 2.1). Ce n’est pas une décision.
Cette fixation est réputée être exécutoire dans les différents états membres à la fin d’un délai de 1 mois à compter de la notification et si aucune décision n’a été requise (A104(3) CBE, il faut comprendre « décision » comme couvrant la « fixation des frais » dans ce cas Directives D-IX 3).
3e étape éventuelle : décision de fixation
Une décision peut être alors être demandée, par écrit et motivée, dans un délai de 1 mois à compter de la notification relative à la fixation des frais (R88(3) CBE). Il est en outre nécessaire de payer une taxe correspondante (A2(1).16 RRT : [montant_epo default= »70 € » name= »A2(1).16 RRT »]).
L’A122 CBE est applicable que pour le titulaire.
Dès lors, la division d’examen statue sur la fixation des frais sans procédure orale (R88(4) CBE) et rend alors une décision (R88(3) CBE).
Cette décision, passée en force de chose jugée, est exécutoire dans les différents états membres (A104(3) CBE).
Recours sur la décision de fixation des frais
Un recours visant la fixation des frais de la procédure d’opposition ne sera admis que si le montant en jeu est supérieur à celui de la taxe de recours (A106(3) CBE ensemble R97(2) CBE).
Le montant de la taxe de recours est de [montant_epo default= »1240 € » name= »A2(1).11 RRT »] (A2(1).11 RRT).
Si un recours est présenté sans respecter ces conditions, celui-ci sera rejeté (R101(1) CBE).
Le principe de non reformatio in pejus s’applique ici (T668/99).