La construction du brevet unitaire est l’une des histoires les plus longues dans la construction de l’Union.
Regardons ensemble les grandes étapes de cette construction.
Aux origines
En effet, en parallèle de l’adoption de la Convention Européen sur le Brevet (ou CBE) en 1973 (et entrée en vigueur en 1977), une Convention sur le brevet communautaire a été signée en 1975 mais n’est jamais entrée en vigueur (du fait du manque de ratification des états membres en 1990).
En 2000, le Conseil a proposé un nouveau règlement sur le brevet communautaire, mais encore une fois cela s’est soldé par un échec (en 2004) du fait de l’opposition de nombreux pays concernant les options choisies pour les traductions.
Des tentatives de compromis
En 2009, la présidence suédoise décide :
- de renommer (à juste titre) le brevet communautaire en brevet unitaire ;
- de mettre dans un accord séparé les questions relatives aux traductions (qui amènent souvent pas mal de controverses) ;
- de demander une opinion à la Cour de Justice concernant les accords prévus.
Cela a permis (fin 2009) d’avoir un accord concernant les aspects non-sensibles des accords (i.e. tout sauf les traductions).
En 2010, la présidence belge a cherché à trouver un compromis concernant le régime des traductions :
- Tout brevet en allemand ou en français sera traduit en anglais ;
- Les brevets en anglais peuvent être traduits dans n’importe quel langue officiel d’un état contractant ;
- En cas de litige, les juges prendront en compte si le contrefacteur savait ou aurait raisonnablement du savoir qu’il était contrefacteur au regard de l’absence de traduction.
Néanmoins, cela n’a pas suffit et en novembre 2010, les états membres de l’Union ont constaté qu’ils n’arrivaient pas à aboutir à un compromis.
La coopération renforcée
C’est pour cette raison que la coopération renforcée (article 20 TUE) a été lancée à la demande de 12 états membres (puis 25 très rapidement, sauf l’Italie et l’Espagne).
L’autorisation de cette coopération renforcée a été donnée par le Conseil le 10 mars 2011.
L’Italie et l’Espagne (qui se battait contre le système de traduction prévu et donc ne participaient pas à la coopération renforcée) ont intenté une action contre la décision du conseil pour l’annuler devant la Cour de Justice de l’Union mais le 16 avril 2013, la Cour de Justice les a débouté (C-274/11 et C-295/11).
En parallèle, le 17 décembre 2012, un règlement 1257/2012 « mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet » a été adopté ainsi qu’un règlement 1260/2012 (le même jour) concernant les traductions.
Ces deux règlements ont été challengés par l’Italie et l’Espagne. Mais une fois encore, la Cour de Justice (C-146/13 et C147/13) les a débouté le 5 mai 2015.
Ces décisions ont finalement amenées l’Italie a demandé sa participation à la coopération renforcée, participation qui a été formellement acceptée le 30 septembre 2015.
Difficultés avec la Grande Bretagne
En 2016, la Grande Bretagne a décidé de quitter l’Union européenne.
Cela a permit de faire quelques nœuds aux cerveaux des plus brillants juristes du droit de l’Union …
En effet, avant leur départ en mars 2020, les anglais ont tout de même ratifié l’accord de la JUB en 2018.
Dès lors, plusieurs questions se posaient :
- est-ce que la Grande Bretagne peut participer à la coopération renforcée malgré son départ vu qu’ils ont ratifié avant leur départ ? (en réalité cette question risque de ne pas trouver de véritable réponse vu que les anglais ont indiqué qu’ils ne souhaitaient finalement pas participer à cette coopération).
- est-ce que la ratification de la Grande Bretagne compte pour le calcul du préambule de l’accord concernant la JUB, prévoyant la ratification de 13 états membres et des 3 états membres déposant le plus de brevets européens à l’époque de la signature de l’accord ?
- est-il possible de changer la localisation de la division centrale actuellement située à Londres sans avoir à repasser par la case « ratification » ? est-ce que l’article 87(2) accord concernant la JUB pourrait être utilisé pour modifier cet accord ?
- que deviennent les juges anglais qui ont été nommés ?
Difficultés avec l’Allemagne
Concernant l’Allemagne, un certain nombre de questions constitutionnelles ont été posées, à la fois concernant la forme et le fond.
Si les questions de fond ont été écartées par la Cour constitutionnelle (Bundesverfassungsgericht), cette dernière a toutefois considéré en mars 2020 que la ratification allemande n’était pas valide par le parlement aurait du donner son accord avec une majorité des 2/3 (en l’espèce, seulement 35 parlementaires étaient présents).
Si cette question formelle ne semble pas trop difficile à surmonter, il faudra probablement attendre la fin de la crise du Coronavirus afin que le parlement allemand ait le temps de se pencher sur cette question…